PHOTOS MERAB ODICHELIDZE
TEXTES DES
INTERVENTIONS
Othar Zourabichvili ;
Guiorgui Baramidze ( Message du Président Mikheil Saakachvili) ;
Tornike Gordadze;
Alexandre Kvitachvili;
Malkhaz Matsaberidze;
Beka Kobakhidze
consulter ici l'intégralité de la verSsion écrite de l'intervention n°1
Othar
Zourabichvili
Président de l'Association Géorgienne
en France
Au cours de
son histoire pluriséculaire, tout au long du 20e et au début
de ce 21 siècle, la Géorgie, a été l'objet de tous les tourments de
l'histoire.
Qu'on la
décrive comme la frontière de l'Europe, la dernière marche de
l'Occident Chrétien avant l'Orient musulman, ou comme une unité
politique qui s'éloigne rapidement de la banquise russo- soviétique,
la Géorgie reste le laboratoire des interrogations de son temps,
l'objet de débats stratégiques qui concernent tant la Russie que
l'Europe et les Etats-Unis. Les regards croisés que portent sur la
Géorgie les historiens et les hommes politiques qui participent à
cette conférence et qui nous proposent leurs analyses permettront
d'éclairer les débats.
La tragique
annexion de la Géorgie de 1921, dont c'est aujourd'hui le 90e
anniversaire, et le 20e anniversaire de la restauration
de l'indépendance en 1991, nous donnent l'opportunité de lire
ces évènements et de tenter de mettre en lumière leurs causes et
leurs mécanismes, d'en percevoir les similitudes et d'identifier des
différences pour mieux comprendre les enjeux d'aujourd'hui.
Cette année
2011 est donc exceptionnelle à ce double titre. La conférence à
laquelle vous nous faites le plaisir d'assister, l'est aussi par la
nature de ces intervenants.
Je tiens ici
à saluer et remercier le Président Mikheil Saakashvili, qui a
accepté de s'associer à cette conférence et qui nous honore de sa
riche contribution.
L'Université
d'Etat, Ivané Javakhishvili de Tbilissi, créée en 1918, en même
temps que la République de Géorgie, est représentée par son Recteur,
Sandro Kvitashvili. Nous lui sommes reconnaissants à double titre :
d'avoir, dès l'origine, fait sienne la participation d'historiens,
universitaires géorgiens, et de nous rappeler, dans son
intervention, le rôle de l'Université géorgienne. Université qui a,
dès sa naissance, été marquée par l'esprit de l'indépendance et qui
a servi de terreau fertile et couvé, les universitaires qui allaient
la faire renaître.
Rappelons
qu'en 2007, des liens officiels ont été établis entre l'émigration
représentée par l'Association Géorgienne en France et l'Université.
Ainsi, une bourse récompense aujourd'hui des étudiants
en Littérature Française.
Le
professeur Malkhaz Matsabéridzé, historien et docteur en science
politique, est un spécialiste de l'histoire de la constitution
géorgienne. Son analyse de la constitution, celle de l'indépendance
de 1918, puis celle de la restauration de l'indépendance, jusqu'à
celle en gestation, nous permettra de comprendre l'inspiration de
celle-ci.
Le
Professeur Beka Kobakhidzé appartient à la toute jeune génération
des universitaires formée dans les universités géorgiennes et
étrangères. Il analysera les changements de l'environnement
géopolitique de la Géorgie.
Thornike
Gordadzé est Vice-ministre des affaires étrangères. Il a été formé à
l'école des Sciences Politiques et est particulièrement au fait des
affaires européennes. Il nous montrera l'évolution des rapports de
la Géorgie avec les organisations internationales.
Ces regards
et analyses croisés vous permettront, je l'espère, d'enrichir votre
connaissance de la Géorgie Moderne et de mieux comprendre ses
aspirations.
Othar Zourabichvili
est fils et petit-fils d'émigrés politiques (Levan, son père a
combattu sa vie durant en faveur de la restauration de
l'indépendance géorgienne, Vano Zourabichvili, son grand père était
Député de la Géorgie indépendante). Il est également l'arrière petit
fils de Nico Nicoladzé.
Othar Zourabichvili
est impliqué depuis son plus jeune âge dans les activités de
l'émigration politique géorgienne à l'étranger. Dès 1973, Président
du Comité Helsinki en France il soutient le combat des militants
géorgiens en particulier celui de Zviad Gamsakhurdia et Merab
Kostava. Il est nommé, en 1991,
sous la Présidence de Zviad Gamsakhourdia, par
le Parlement premier Représentant de la Géorgie indépendante en
France. Il s'oppose au coup d'état qui a
porté au pouvoir Edouard Chevardnadze et
au pouvoir que ce dernier a exercé par la
suite.
Othar Zourabichvili
est depuis 2006 Président de l'Association Géorgienne en France.
Association Géorgienne en France
L’Association Géorgienne en France a été fondée
en 1922 par les réfugiés politiques géorgiens.
En 1921, au lendemain de l’invasion de la
Géorgie (alors République indépendante) par l’armée rouge, le
gouvernement géorgien, quelques intellectuels et une poignée
d’hommes politiques, choisissent de continuer le combat en France,
le pays qui, pour eux, symbolise le mieux l’esprit de liberté dont
ils se réclament.
Aujourd’hui encore, à la 3e génération de
français d’origine géorgienne à laquelle se sont joints de nouveaux
émigrants géorgiens, l’Association Géorgienne reste fidèle à ces
mêmes principes.
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consulter ici l'intégralité de la version écrite de l'intervention n°2
Mikheil SAAKASHVILI
Président de la République de Géorgie
Message du Président lu par
Guiorgi Baramidze, Vice-Premier Ministre d'Etat à
l'intégration Euroopéenne et Euro Atlantique
Il est rare qu'un
groupe social incarne le drame historique de sa propre nation.
C'est, ce qu'a vécu l'émigration géorgienne en France après
l'occupation soviétique de la Géorgie en 1921. Cette émigration,
bien que limitée en taille, est importante par les valeurs
nationales et culturelles qu'elle porte.
Il n'y a pas si
longtemps dans notre pays, les nombreuses années d'oppression
soviétique réussissaient à faire disparaître tous les attributs de
l'état géorgien et effaçaient chez presque tous les citoyens leur
conscience nationale et de leur mémoire, la Géorgie indépendante. Au
cours de cette période, les émigrés géorgiens en France
préservaient, en exil, l'état géorgien, les valeurs nationales et
d'indépendance.
Cette étincelle de vie
trouvait, peu à peu, son écho en Géorgie, rassemblait les géorgiens
et rallumait l'espoir de l'indépendance. Cette force de vie qui
refusait la défaite, n'a jamais faibli alors même que pendant 70 ans
le rétablissement d'un état de droit n'était, pour beaucoup, qu'une
utopie. Cette émigration était la seule voix qui nous empêchait
d'oublier comment étaient éradiquées nos valeurs nationales, comment
nous avait été arrachée notre souveraineté. La seule voix qui nous
rappelait notre histoire et nous incitait à garder notre combativité
et à rechercher la victoire.
Presque un siècle s'est
écoulé depuis la perte de notre indépendance. Le monde a changé,
mais notre pays reste face à des craintes identiques. L'empire du
Nord a conservé son agressivité et fait craindre pour notre
indépendance. Nous prêtons une attention particulière à la réalité
présente et veillons à l’avenir de notre pays sans pour autant
oublier les cruelles leçons du passé. En effet, au cours du siècle
passé, notre pays n'a connu que douze années d'indépendance au cours
desquelles par trois fois la Russie a attenté d'y mettre un terme.
Trois agressions et autant de leçons qui nous permettent,
aujourd'hui, d'analyser et de fonder lucidement nos décisions
présentes et futures.
Au cours des années
1993-95, alors que la Géorgie vivaient ses heures les plus
difficiles, que s'écroulait tout système de défense et que nous
basculions dans les affres de la guerre civile, le gouvernement
d'alors pour sortir de cette situation apparemment sans issue,
conviait lui-même l'armée russe et donnait à Moscou le pouvoir, de
désigner les ministres de la défense, de la sécurité et de
l'intérieur. La Géorgie entrait dans la CEI et la Russie obtenait la
promesse d'y maintenir son armée pour les 25 prochaines années.
En 1991, lorsque le KGB
tentait un coup d'état militaire contre Gorbatchev et que le Kremlin
annonçait sans ambages qu'il fallait restaurer l'Union Soviétique,
le tout jeune état géorgien ne disposait pas de forces suffisantes
pour s'opposer et était contraint, dans cette situation
d'impuissance, de se séparer de la garde nationale et des forces
armées. Le Président placé dans une situation critique incitait la
population à éviter le conflit avec les forces d'occupation. Le coup
d'état fomenté par le KGB échouait, mais la Géorgie avec "l'aide" de
Moscou ne pouvait éviter la guerre civile qui allait la précipiter
dans le chaos.
Dans les années
1918-1921, de façon similaire, la jeune République géorgienne, pour
se préserver, décrétait la neutralité et recherchait un compromis
avec la Russie en légalisant le parti communiste - ce qui permettait
à la Russie d'agir sur le territoire géorgien. Une année plus tard,
en violation des accords, l'Empire soviétique envahissait la
Géorgie. La Géorgie tenta de s'opposer à celui-ci, mais totalement
isolé et sans soutien international, fût vaincue. Le gouvernement
était contraint de quitter d'abord Tbilissi, puis la Géorgie et, 70
ans, le drapeau soviétique flotta sur Tbilissi.
Par trois fois,
Tbilissi dût être concédée et la Géorgie vaincue. Par trois fois
nous avons perdu notre indépendance ou sombré dans la guerre civile.
Les tentatives de
circonvenir notre indépendance se sont poursuivies au cours du 21e
siècle. A l'été 2008 nous avons été placés face à un choix
similaire. Cette fois, nous avons décidé de ne pas céder et de nous
opposer tant que nous en conservions la force. Décision qui ne
relevait ni d’un souhait, ni d'un choix délibéré, mais qui était
uniquement dictée par un devoir national. La justesse de cette
décision sera appréciée par l'histoire. Nous pouvons, dès
aujourd'hui, néanmoins affirmer que ce choix nous a permis de
conserver notre souveraineté, un état fonctionnel et de préserver la
paix civile. La guerre de 2008 a profondément marqué notre état et
le développement de la stabilité. Nous avons perdus 170 militaires,
14 policiers et 228 civils. Ce conflit a déplacé plusieurs dizaines
de milliers de citoyens. Sans, pour autant, nous faire renoncer à
nos libertés, à notre indépendance, nous faire abandonner notre
unité nationale, ni parvenir à anéantir notre armée en dépit d'une
supériorité marquée, aussi bien numérique que matérielle. Notre
armée s'est battue valeureusement pour défendre notre pays et reste
prête à défendre nos libertés autant qu'il sera nécessaire.
L'armée russe a été
stoppée dans sa progression vers la capitale, par la mobilisation
internationale en faveur de la petite Géorgie. Le pouvoir russe n'a
ni pu empêcher notre marche vers une société plus démocratique, ni
non plus générer une confrontation au sein de la population civile.
La Géorgie a marqué le pas, mais s'est ressaisie et poursuit son
objectif.
Nous sommes aujourd'hui
une nation et un état d'une tout autre nature, que ne menacent ni le
chaos, ni l'anarchie et qu'aucune force ne pourra entraîner vers la
guerre civile. L'état est, en toute circonstance, prêt à assurer la
défense de ses droits et celle de ses concitoyens. Nous renforcerons
encore cet Etat, et poursuivrons notre consolidation avec énergie,
mais par des voies pacifiques et sans recours à la force. Nous
combattons pour notre liberté, mais notre détermination est entière
pour y parvenir pacifiquement et dans la stabilité.
C'est mon premier
devoir de Président que de défendre cette paix et cette stabilité.
Dans la confrontation
et la guerre nous ne trouverons aucune solution. Je veux que notre
adversaire entende ces mots et qu'il acquière la conviction qu'aucun
de ses objectifs ne pourra être atteint par le sang et la
contrainte. Il faut également que tous comprennent qu'il est des
principes auxquels ne renonceront jamais aucun géorgien, aucun homme
politique géorgien, aucun gouvernement géorgien, ni aucun Président
géorgien :
c'est, d'abord,
l'intégrité territoriale de la Géorgie. Il n'y a là aucune
possibilité de compromis pour la Géorgie,
c'est, ensuite,
l'indépendance de notre pays, et nous ne nous accommoderons pas de
la présence d'une armée étrangère sur notre sol,
c'est, enfin, la
liberté de nos choix et nous n'accepterons pas de concéder à autrui
le choix de notre avenir national.
Nous ne voulons plus de
cette absence de relations diplomatiques avec la Russie. Notre
souhait et que soient rétablies, entre nos pays, des relations
diplomatiques normales et que nos ambassades fonctionnent dans nos
deux capitales. Ceci est indispensable pour établir des relations
apaisées entre nos deux pays. Mais, je le dis avec force, nous ne
nous accommoderons pas de la présence sur notre sol de trois
ambassades russes : une à Tbilissi, une à Tskhinvali et une à
Soukhoumi. Nous sommes prêts à combattre le Kremlin lorsqu'il nous
envahit, nous sommes également prêts, dès qu'il quittera les
territoires qu'il occupe, à ouvrir un dialogue civilisé et d'égal à
égal avec notre voisin. Car nul ne sait plus que les géorgiens la
valeur de l'amitié, du bon voisinage et de la coopération.
Nous souhaitons la paix
!
Mais tant que la Russie
s'entête dans sa politique d'occupation et d'agression, notre
réponse est d'étendre et de resserrer, plus encore, les relations
internationales que la Géorgie entretient. Nous poursuivrons notre
marche vers plus de démocratie encore, vers l'intégration européenne
et le rapprochement avec l'OTAN.
Ce faisant, notre but
est de renforcer les garanties et les liens internationaux pour
mieux assurer la paix, de poursuivre le cours des réformes
démocratiques et de soutenir l'avancée vers une économie libérale.
C'est précisément cette
attention internationale qui permet à notre pays de préserver sa
sécurité. C'est elle qui fait que la Géorgie est aujourd'hui plus
protégée et plus prémunie de l'escalade d'un conflit qu'elle ne
l'était avant la guerre de 2008. C'est cette réduction du risque de
conflit que nous parvenons à assurer grâce au soutien de pays amis.
Cette réduction du
risque de conflit se traduit dans le domaine de l'économie et du
business par l’attribution par Standard
& Poor's de la meilleure cotation
qui soit.
C'est ce que souligne
également le classement "doing business" de la Banque Mondiale qui
voit progresser la Géorgie à la 12e place mondiale.
L'Union Européenne va dans le même sens lorsqu'elle considère la
Géorgie comme le pays de l'Europe au plus faible taux de
criminalité.
L'objet de nos efforts
actuels porte sur la sphère économique. Notre préoccupation
principale est celle de résister à la crise économique mondiale, de
sauvegarder et de développer l'emploi, de garantir l'équilibre
budgétaire, pour que l'état accomplisse pleinement les missions
sociales qui sont les siennes.
Il s'agit, on le voit,
d'un programme ambitieux, qui nécessite la stabilité interne de
notre pays, la cohésion de notre société et l'implication de tous
les géorgiens, en particuliers ceux vivant hors de nos frontières.
J'utiliserai une image
pour illustrer mon propos : le monde traverse une tempête
économique. Notre pays est un bien petit navire qui tente d'échapper
à cette tourmente. Nous devons conserver notre équilibre dans ces
énormes turbulences et éviter les trajectoires, dangereuses et
incontrôlées, de gros navires. Nous devons prêter une attention
particulière à l'énorme bateau qui sombre à proximité et éviter
d'être entraînés dans son remous. Pour l'heure, nous ne sommes pas
au cœur de la tempête, c'est pourquoi chacun d'entre nous doit
apprendre au mieux les règles de navigation et tous ensembles nous
devons conduire notre esquif dans la bonne direction.
Si nous le voulons, si
nous parvenons à conserver notre unité et notre détermination, si
nous agissons avec intelligence, prudence et réflexion, si nous ne
sommes pas oublieux des leçons de l'histoire, celles de 1921,
comme celles des années 90, si nous nous pensons bâtisseurs et non
destructeurs, si nous conservons cette direction de développement
vers la paix et la stabilité, alors nous résisterons à toutes les
tempêtes, nous surmonterons les difficultés et nous conduirons notre
pays vers des horizons pacifiés où règneront la liberté, la
prospérité, l'intégrité territoriale et où rien ne viendra plus
compromettre notre sécurité.
Né en 1967 à
Tbilissi, Mikheil Saakachvili est diplômé de l'Institut de Relations
Internationales de la Faculté de droit de Kiev, titulaire d’un
Master de droit de l'Université Columbia, ancien élève de l'Institut
des Droits de l'Homme de Strasbourg et de l’Université de droit de
Washington.
Il est élu député
en 1999 et nommé ministre de la Justice en octobre 2000,
une fonction qu’il quittera rapidement à la suite d’un désaccord
avec le Président Edouard Chevardnadzé.
En juin 2002, il
est élu président de l'assemblée municipale de Tbilissi. Il prend la
tête du mouvement de contestation - « la Révolution des roses » -
déclenché par les élections parlementaires du 2 novembre 2003
Mikheil Saakashvili est élu président de la République le 4 janvier
2004. Il est réélu le 5 janvier 2008.
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consulter
ici l'intégralité de la version écrite de l'intervention n°3
La Géorgie et les
institutions internationales
Thorniké GORDADZE
Vice-Ministre des Affaires Etrangères
Presque un
siècle s’est écoulé depuis qu’en 1918 la Géorgie a établi son
indépendance, se libérant de la Russie tsariste, et a constitué l’un
des premiers Etats social-démocrate en Europe.
La première
république géorgienne, en dépit de sa courte existence et d'une
situation politique interne et internationale extrêmement difficile,
a pu conduire d'importantes réformes progressistes. Ces
réformes étaient nécessaires pour jeter les bases du jeune Etat
démocratique et garantir sa reconnaissance internationale.
Le
Gouvernement de l’époque parmi d'autres réalisations : a arrêté les
frontières de la République, déclaré le géorgien langue officielle
du pays, conduit la réforme de la justice, instauré la garde
nationale et l’armée régulière, mis en place les organes dirigeants
locaux, et les syndicats professionnels, et, enfin, adopté la
Constitution de la République. La Géorgie, malgré une situation
internationale chaotique (la première République de Géorgie
naissait alors que prenait fin la première guerre mondiale),
obtenait la reconnaissance internationale mais non pas son admission
à la Société des Nations (SDN), nouvellement créée.
C'est un
paradoxe de constater, alors que l’Europe et le monde entier étaient
secoués par les cataclysmes sociaux, économiques, politiques,
géopolitiques et militaires, que le Gouvernement de la première
République de Géorgie et avec lui toute la société géorgienne avait
déjà un sens aigu de l'état et une conscience nationale.
La politique
menée par les leaders de la première République est d’autant plus
impressionnante que la Géorgie était privée d’Etat depuis plus d’un
siècle par l’Empire russe. Le régime tsariste réprimait sans pitié
toute manifestation indépendantiste au sein de l’Empire, y compris
en Géorgie. En dépit de ce carcan, la Géorgie réussissait, non
seulement, à conserver un état et une identité nationale mais
également à les développer dans le sens de la pensée progressiste de
l’époque. Lorsque le rétablissement de l’indépendance s’est avéré
possible, il a été instauré en Géorgie une démocratie parlementaire
fondée sur ces mêmes principes libéraux.
Il est dit
dans l’Acte d’indépendance de 1918 que « la République Démocratique
de Géorgie garantit à l’intérieur de ses frontières de manière égale
des droits politiques et civiques de tous les citoyens quelles que
soient leur appartenance ethnique, religieuse, sociale et ce, pour
les deux sexes…Elle met en œuvre toutes les conditions
nécessaires à l’épanouissement de tous les peuples vivant sur son
territoire ». Les mêmes principes ont été exprimés dans le
Constitution adoptée la même année qui a défini en détail les
principaux droits de l’homme et les libertés fondamentales et aboli
la peine de mort. Alors même qu'à cette époque, peu d’Etats avaient
une constitution garantissant les droits de l’homme.
Le choix du
peuple géorgien de fonder un Etat européen démocratique est un
héritage de l'histoire. Au cours de son histoire pluriséculaire, la
Géorgie s’est considérée partie intégrante de la civilisation
européenne et a apporté sa contribution à son développement et sa
défense. Dès qu'est apparue la possibilité, après la chute du
tsarisme, la Géorgie a pris la forme d'un Etat démocratique.
La première
République de Géorgie n’a vécu que trois ans. La Russie bolchévique,
née sur les ruines du tsarisme, n’a pas respecté l'accord de
paix qu'elle avait pourtant signé avec la Géorgie. En 1921 elle
occupait le pays, instaurait un régime bolchévique puis
intégrait de force la Géorgie dans l’Union soviétique.
Au cours des
soixante dix ans d’occupation soviétique, le peuple géorgien
subissait la terreur communiste, assassinant ou
contraignant à l'exil une partie de la société géorgienne.
L'objectif poursuivi était d'effacer toute expression de
revendication nationale et contraindre à la servilité politique le
peuple géorgien.
En dépit de
ses efforts, le régime soviétique n’a pas pu annihiler
l’esprit du peuple géorgien. Deux ans avant la disparition de
l’empire communiste, la Géorgie s’est de nouveau déclarée
indépendante.
Aujourd’hui,
90 ans après l’occupation de la Géorgie et 20 ans après la
dislocation de l’Union soviétique, notre pays reste en lutte contre
l’occupant et contre les forces qui cherchent à reconstruire
un nouvel empire dans les frontières de l'ancien.
L’agression
militaire de grande ampleur d’août 2008 menée contre la Géorgie
représentait le sommet de la politique néo-impérialiste russe. Cette
agression a eu pour conséquence l’occupation russe de 20% du
territoire géorgien – l’Abkhazie et la région de Tskhinvali. Sur les
territoires occupés, un nettoyage ethnique a été conduit contre la
population géorgienne avec l’aide active de l’armée russe. Des bases
militaires russes y ont été créées pour héberger dans les régions
occupées 15 000 soldats russes et une grande quantité de matériel
militaire offensif. De nouvelles infrastructures militaires sont en
construction pour y installer de nouvelles bases militaires de
l’armée de terre, de mer et aérienne. Ces places d’armes permettent
de maintenir une pression militaire russe sur la Géorgie et toute la
région.
En 1921
comme en 2008 l'invasion russe avait pour objectif d'obtenir
par la force l'éviction du gouvernement démocratiquement élu
et le retour de la Géorgie dans l’orbite politique russe.
Il y a un
siècle la situation internationale était tout autre, le droit
international n'avait pas atteint le stade actuel de développement
et la SDN n'avait pas le poids des institutions d'aujourd'hui.
Après la guerre mondiale, les pays occidentaux ont fait le choix de
ne pas entrer en confrontation avec la Russie sur la question de la
petite Géorgie. Malgré la reconnaissance internationale et le statut
du membre de la SDN, la communauté internationale n’a pas fait
obstacle à l’occupation de la Géorgie par la Russie soviétique.
En ce début
de 21ème siècle, les relations internationales ont une
maturité différente. L’Union soviétique n’existe plus et malgré la
volonté et les tentatives du gouvernement actuel russe, son
rétablissement est impossible. De nombreux pays qui appartenaient
jadis au Pacte de Varsovie et à l’ex-URSS sont aujourd’hui membres
de l’OTAN et de l’Union Européenne. Lors du Sommet de l’OTAN à
Bucarest, début 2008, les alliés se sont entendus sur l’adhésion
future de la Géorgie. La Géorgie est membre de l’Organisation des
Nations Unies (ONU), du Conseil de l’Europe et de l’Organisation
pour la Sécurité et la Coopération en Europe (OSCE). Elle mène une
diplomatie active bilatérale ou multilatérale et progresse sur
le chemin d’intégration au sein des structures européennes et
euro-atlantiques.
Depuis la
restauration de son indépendance et notamment après la Révolution
des roses, la Géorgie construit un Etat démocratique dont la place
est dans la famille européenne et euro-atlantique. C’est précisément
grâce aux réformes démocratiques et à sa politique étrangère
orientée vers l’intégration aux institutions occidentales que
celle-ci est à présent possible.
Pour toutes
les raisons précédemment évoquées, mais également en raison de
l’importance de la situation géopolitique de la Géorgie, la
communauté internationale, notamment l’Union Européenne dirigée par
la France et les Etats Unis, est intervenue activement pour arrêter
l’agression russe d’août 2008. La Russie n’a pas, de ce fait,
atteint ses objectifs stratégiques. L'Etat géorgien, le gouvernement
démocratiquement élu continuent de fonctionner, la Géorgie poursuit
les réformes démocratiques et la mise en œuvre de sa politique
étrangère orientée vers l’occident.
A la
différence du siècle dernier, la communauté internationale a jugé
inadmissible la demande de Moscou de reconnaître la Géorgie et toute
la région comme « une zone d’intérêts privilégiés » de la Russie.
Les partenaires de la Géorgie ont également unanimement rejeté la
demande de la Russie reconnaître la prétendue indépendance des
territoires occupés et la légitimité des régimes mis en place par la
Russie. Malgré d’énormes efforts politiques et financiers de Moscou,
les régions occupées n’ont été reconnues que par le Venezuela, le
Nicaragua et le Nauru.
L’occupation
d'une partie du territoire et le renforcement du contingent
militaire russe dans les régions occupées incite le Gouvernement
géorgien à renforcer plus activement encore les bases démocratiques
de l’Etat pour satisfaire les attentes et garantir intégration
au sein des structures européennes et euro-atlantiques.
En dépit de
l'occupation militaire d'une partie de son territoire et de
l'embargo économique unilatéral russe, la Géorgie se développe. Ses
institutions étatiques se renforcent, la croissance économique est
au rendez-vous, les infrastructures sont en développement en
particulier dans le domaine touristique, les zones libres
économiques, industrielles et touristiques voient le jour. Le pays
qui était énergétiquement dépendant de la Russie, est, à présent
exportateur d’électricité dans différents pays, y compris en Russie.
L'embargo décrété par Moscou sur le vin et d'autres produits
géorgiens, a contraint à une salutaire diversification de
l'exportation, en particulier, en direction des pays de l'Union
européenne, ce qui a eu pour effet indirect de faire progresser
la qualité des produits.
La Géorgie a
signé avec l'Union européenne la « Convention visant à faciliter
la délivrance de visas et les réadmissions », les négociations
traitant de l' « Accord d'association » avancent
favorablement et, dans un avenir proche débuteront les négociations
sur la convention de libre échange. La Géorgie participe, en outre,
activement au programme européen le « Partenariat Oriental ». Enfin,
un mois après l'agression, en septembre 2008, la Commission OTAN -
Géorgie a été créée et supervise le processus d'adhésion de la
Géorgie à l'Alliance.
Aujourd'hui,
90 ans après l'occupation de Géorgie et 20 ans après la restauration
de son indépendance, le pays est en plein processus de
reconstruction. Le contexte international actuel et, ce qui est le
plus important, la volonté ferme du peuple géorgien, nous donne
l'assurance que nous menons à bien le processus entrepris par la
première République, qui prévoyait la construction d'un Etat
démocratique et que nous pourrons assurer rapidement l'intégration
de la Géorgie au sein de la famille européenne.
Thorniké GORDADZE, né en Géorgie a fait ses
études en France. Il a soutenu une thèse de doctorat à l'Institut
des Sciences Politiques à Paris ou il enseigné plusieurs années.
Ensuite chercheur à Yale University, il est devenu consultant au
Centre d'Analyse et de Prévision du Ministère Français de Affaires
Etrangères avant de Diriger le centre d'Etudes du Caucase au sein de
ce même ministère.
Il est Vice-Ministre des Affaires Etrangères de
la Géorgie depuis 2010 et spécialiste des Affaires européennes. Il
est l'auteur de nombreuses publications scientifiques
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consulter ici l'intégralité de la version écrite de l'intervention n°4
certains articles rédigés dans la Constitution
de 1921, plus La Première Constitution de la Géorgie et son
évolution
Malkhaz MATSABERIDZE
Professeur à l’Université d’Etat
Ivané Djavakhishvili, Docteur es Sciences Politiques.
Les
fondateurs de la République Démocratique de Géorgie attachaient
beaucoup d’importance à la conception de la Constitution - à la loi
fondamentale. Ils considéraient l’adoption de la Constitution comme
un événement capital qui devait succéder à la déclaration de
l’Indépendance de Géorgie. L’élaboration de la Constitution, ainsi
que le processus de sa mise au point jusqu’à son adoption ont
presque pris autant de temps que l’existence même de la République
Démocratique de Géorgie. La rédaction de la loi fondamentale avait
débuté bien avant la déclaration de l’Indépendance. Or, alors que
l’Assemblée Extraordinaire Constituante géorgienne délibérait sur la
validation de la Constitution, adoptée à l’unanimité en février
1921, des combats acharnés se déroulaient à proximité de Tbilissi
entre les partisans de la Géorgie indépendante et les bolcheviks de
l’armée rouge.
Deux
commissions constitutionnelles ont été créées, l’une (6 juin 1918 –
8 mars 1919) auprès du Conseil National géorgien (Parlement
géorgien) et l’autre (18 mars 1919 – 21 février 1921) auprès de
l’Assemblée Constituante. Toutes les deux ont été chargées
d’élaborer la Constitution. Les personnalités suivantes ont
notablement contribué à l’élaboration de la Constitution : MM. Noé
Jordania, Pavlé Sakvarelidzé, Sergi Djaparidzé, Samson Dadiani,
Konstantine Djaparidzé, Giorgi Gvazava, Mikheil Russia, Levan
Nathadzé, Ioseb Baratashvili, Akaki Chkhenkeli, et Giorgi
Nanéishvili.
Le 21
février 1921 lors de la validation de la Constitution, l’état
d’esprit de la société géorgienne était la combativité et non pas le
défaitisme. En effet, la grande majorité de la société géorgienne
croyait sincèrement pouvoir opposer une résistance farouche à
l’ennemi et avait foi en une Géorgie victorieuse et capable
d’avancer sur la voie du développement d'institutions étatiques
indépendantes.
L’Assemblée
Constituante a procédé à l’étude du projet de la Constitution le 24
novembre 1920.
Le Parti au
pouvoir, social-démocrate, représentait la large majorité des
membres de l’Assemblée Constituante et pouvait facilement et
rapidement obtenir la validation de la Constitution. Néanmoins, il a
jugé nécessaire d’entamer de larges discussions et débats pour
permettre à tous les partis d'opposition d’exposer toutes leurs
suggestions, et d’exprimer leurs avis.
Tout
naturellement, ces débats ont retardé la validation de la
Constitution.
Si ce
n’était l’attaque armée de la Russie soviétique, le Parti au pouvoir
aurait fait coïncider l’adoption de la Constitution avec la date
d’ouverture de l’Assemblée Constituante, approximativement le
12 mars. Ainsi, les élections législatives au Parlement auraient pu
être fixées à l'automne 1921.
Mais,
malheureusement, les événements se sont déroulés autrement.
Le 25
février, les troupes d’assaut de l’armée rouge sont entrées à
Tbilissi. C’est pour cette raison que cette date est précisément
considérée comme la date de « soviétisation » de la Géorgie.
Or, le 25
février 1921, la guerre entre la Russie et la Géorgie se poursuit,
et les combats acharnés dureront encore près de 3 semaines. La
Constitution de Géorgie est publiée sous forme de brochure à
Batoumi en 1921 avant le départ en exil du Gouvernement de la
Géorgie indépendante.
La Géorgie
n’a pas eu la possibilité de vivre sous cette Constitution. En
revanche, il ne faut passer sous silence, qu’au moment de sa
conception, le Gouvernement s’appuyait en grande partie sur les
pratiques de la vie publique déjà existantes dans la Géorgie de
l’époque. Les institutions, les règles de la vie politique, les
droits de l’homme, en d’autres termes, tous les attributs juridiques
nécessaires à la validation de la Constitution de 1921, existaient
et fonctionnaient réellement dans la République Démocratique de
Géorgie d'alors.
L’occupation
et la « soviétisation » de la Géorgie, mais, également,
l’expérimentation de « construction le communisme » par les
bolcheviks ont considérablement modifié non seulement le cours du
développement de la Géorgie, mais surtout la réalité sur laquelle
reposait la Constitution de 1921.
Les partis
du courant socialiste dominaient l’Assemblée Constituante. A lui
seul, le parti social –démocratique disposait de 103 sièges sur les
130 membres de l'Assemblée.
De ce fait, les doctrines idéologique et politique du parti
social- démocratique inspiraient largement les principes de la
Constitution lors de la conception du projet. Le parti au pouvoir,
réalisant la situation du pays, prenait conscience de
l’impossibilité de construire un socialisme doctrinaire en Géorgie.
L'accession au pouvoir, a permis à ce parti de fonder l’un des états
les plus démocratiques où la protection des droits de l’homme était
une priorité des plus importantes. Outre les droits politiques, La
Constitution de 1921 accordait explicitement les droits
sociaux-économiques à ses citoyens, en plaçant ainsi la Constitution
géorgienne parmi les Constitutions les plus progressistes.
La structure
politique géorgienne devait ressembler au modèle suivant : le
système électoral proportionnel, fondé sur les élections au suffrage
universel, prévoyait l’élection du Parlement pour 3 ans.
L’institution du Président de la République était considérée
inappropriée pour le développement de la démocratie. Afin de
prévenir des crises parlementaires et de garantir une gestion stable
de l’Etat entre les cessions parlementaires, il était convenu
d’élire le Chef du Gouvernement pour un délai d’un an et de le doter
de certains pouvoirs du Président de la République. L’élection du
Chef du Gouvernement se limitait à deux mandats consécutifs. Cette
mesure avait pour objet de rendre plus démocratique le pouvoir.
La
Constitution de 1921 mettait en place les collectivités locales, et
offrait les droits les plus larges aux minorités nationales vivant
en Géorgie, à l'exception de la possibilité de créer un Etat dans l’Etat.
Les concepteurs de la Constitution de 1921 ont complètement rejeté
l’idée du fédéralisme, le considérant structure d’administration
inappropriée pour l’Etat géorgien. En revanche, afin de renforcer
les régions frontalières et consolider l’intégrité territoriale, ils
ont établi le principe de l'autonomie et ont conféré ce statut par
la Constitution à la région de Batoumi, à l’Abkhazie et à l’Inghilo.
La voie
d'évolution tracée par les sociaux-démocrates pour la Géorgie, est
identique à celle adoptée plus tard par la plupart des pays
européens. Ce n’est rien d’autre que la marche vers la construction
d'un Etat social.
Pour le
régime soviétique la Constitution qui garantissait la démocratie et
la souveraineté de la Géorgie, était totalement inacceptable. Le
régime soviétique l’a, non seulement, immédiatement invalidée, mais
aussi totalement occultée. Durant l’époque soviétique, on n’évoquait
la Constitution de 1921 que pour la critiquer.
Cependant,
le régime soviétique a bien été obligé de tenir compte
departiculièrement, ceux qui validaient le statut officiel de la
langue géorgienne en tant que langue officielle d’Etat. Puis plus
tard, toutes les Constitutions soviétiques géorgiennes suivantes ont
légitimé cet article.
Dans la
conscience du peuple géorgien, la République Démocratique de Géorgie
et la Constitution de 1921 symbolisaient ce que devait être une
République indépendante unie et démocratique.
Le Mouvement
National géorgien a activement repris les aspirations de la
République Démocratique de Géorgie de 1918-1921 dans la seconde
moitie du XXe siècle, à l’époque de perestroïka, dès que le
régime soviétique a connu une certaine libéralisation.
La
restauration de l’Indépendance de la Géorgie en 1991 signifiait,
avant toute chose, de corriger les résultats de l’occupation et de
l’annexion de fait par le régime soviétique. De nombreux articles
étaient alors, en Géorgie, consacrés à la Constitution de
1921.
Le
referendum du 31 mars 1991 a servi de base à la déclaration de
l’indépendance de la Géorgie. Vingt années se sont écoulées depuis.
Le peuple géorgien a unanimement soutenu la question soumise au
referendum portant sur la restauration de l’Indépendance, qui était
basée sur l’acte de déclaration d’Indépendance du 26 mai 1918. La
restauration de l’Indépendance de la Géorgie se conformait aux
principes de la République démocratique de Géorgie. Toute la
symbolique d’alors était reprise (drapeau, armoiries d’Etat, hymne),
mais l’approche à l’égard de la Constitution de 1921 a été
complètement différente. Depuis l’adoption de cette Constitution 70
ans auparavant, la notion même d’organisation structurelle de l’Etat
a considérablement changé, de même qu'a évolué le droit
constitutionnel. Ainsi donc, l’élaboration de la nouvelle
constitution devait s’appuyait à nouveau sur celle de 1921.
En fait, un certain nombre d’articles était directement
copié de la Constitution de 1995.
La
Constitution de 1921 reflétait les pratiques de la vie, les
aspirations, les réflexions et les opinions de l’époque. Depuis
lors, les 90 années passées ont apporté des réponses aux
interrogations d’alors. La société géorgienne a beaucoup évolué. Il
n'en reste pas moins que, la République Démocratique de Géorgie a
influencé la conscience du peuple géorgien en dépit de sa brève
existence. Les années 1918-1921 ont jeté les bases qui ont servi de
fondement à la Géorgie l’actuelle.
Si l’on
revient sur le développement de la structure constitutionnelle de la
Géorgie actuelle après la restauration de son indépendance, une des
plus radicales différences entre la première Constitution et celle
de 1995 est la création de l’institution présidentielle. La
Constitution de 1995 donne à la Géorgie un régime présidentiel fort
sur le modèle américain. La réforme constitutionnelle, appliquée le
6 février 2004, a renforcé les pouvoirs du Président de la
République, alors qu’en 1921 une tendance à la création d'un système
semi-présidentiel se dessinait. En revanche, la réforme constitutionnelle entamée le 15
octobre 2010 faisait un pas dans la direction opposée. La nouvelle
rédaction suggérait l'idée du rapprochement au modèle parlementaire.
Par exemple, elle proposait un mode d’administration mixte des
affaires d’Etat, en inclinant vers le modèle d’une république
parlementaire. De cette
façon, cette version se rapprochait de la Constitution de 1921. Mais
avec un modèle d’administration d’Etat différente de celui prévu par
la Constitution de 1921.
La réforme
constitutionnelle entamée en 2010 ne prendra effet en totalité qu'en
2012-2013. Elle tente de maintenir l’équilibre entre toutes le
branches du pouvoir et d'accroître le pouvoir du Parlement, pouvoir
qui avait été restreint par la réforme constitutionnelle
du 6 février 2004.
En premier
lieu, la réforme de 2010 aborde la question capitale du statut
constitutionnel du Président de la République. Le Président procède
toujours du suffrage universel mais voit son pouvoir réduit. Selon
la nouvelle rédaction, on obtiendra un statut du « Président dit
somnolant », dont les pouvoirs ne s’accroîtront qu’en cas de crises
intérieures et en situation de force majeure.
Une grande partie des pouvoirs passera au Parlement et à son
chef, au Premier Ministre ; le gouvernement deviendra une
institution exécutive du pouvoir suprême.
Les
changements constitutionnels effectués en 2010, dont l’application
n’est prévue pleinement qu’en 2013, ont néanmoins prédéfini les
garanties constitutionnelles de la mise en place du pouvoir exécutif
comme d’une branche indépendante du pouvoir. Ainsi, le gouvernement
devient l’autorité suprême qui sera habilité à concevoir et mener
les politiques intérieure et étrangère du pays. De cette
façon, le Gouvernement est exempté de toute responsabilité devant le
Président de la République et le Gouvernement ne rendra compte que
devant le Parlement.
Les réformes
constitutionnelles de 2010 ont explicitement mis en relief le statut
constitutionnel du Premier Ministre comme Chef du Gouvernement
exempté de responsabilité devant le Président de la République. Le
candidat du parti vainqueur des élections parlementaires ou un celui
présenté par une coalition pourra devenir le Premier Ministre. Le
Premier Ministre sera un personnage indépendant et habilité à nommer
librement les membres de son gouvernement sans approbation du
Président de la République. De cette manière, sera établi une voie
dite parlementaire de formation du cabinet, et seul le Parlement
sera habilité à accorder sa confiance au gouvernement composé.
Une
innovation significative de la réforme constitutionnelle de 2010
consiste en addition d’un nouveau chapitre où les principes de bases
d’organisation des organismes autonomes locaux sont exposés, ce qui
est en soi un pas en avant vers la démocratie. Les chapitres
consacrés aux droits de l’homme restent inchangés. Il n’y avait eu
que quelques chapitres soumis aux modifications ou précisions.
Ces réformes
n’ont pas résolu tous les problèmes à l’ordre du jour concernant
l’évolution du régime politique en Géorgie (en premier lieu, celui
de l'organisation territoriale), mais le redressement de l’Etat est
un processus long et compliqué, rendu plus complexe encore par le
poids encore présent de "l'héritage" soviétique.
Il est très
important de souligner les progrès apportés par la réforme
constitutionnelle de 2010 qui prend racines dans la Constitution de
1921.
Malkhaz MATSABERIDZE est un historien réputé,
rédacteur de nombreux ouvrages consacrés à la période de la première
République géorgienne. Il est Professeur à l’Université d’Etat Ivané
Djavakhishvili et Docteur es Sciences Politiques.
|
consulter ici l'intégralité de la version écrite de l'intervention n°5
La Russie et le rôle de la Géorgie dans le
Caucase.
Beka Kobakhidzé
Docteur en Histoire
Situé sur la
ligne de division entre l’Europe et l’Asie, le Caucase a toujours
attiré l’attention de grands États du monde par sa position
géopolitique intéressante. Enviée pour sa position stratégique
depuis l'Antiquité, la région a été pendant très longtemps un objet
de litige entre les superpuissances qui l'entouraient : l'Empire
hellénique et les royaumes perses, l'Empire romain et les Arabes,
les empires turc et mongol… Toutefois, ce facteur n’a pas fait
perdre aux peuples caucasiens leurs identités nationales. Tout au
long de ces péripéties, le rôle capital dans la politique régionale
a été assuré par la Géorgie.
Même si les
relations internationales ont beaucoup évolué au cours des siècles,
les intérêts des peuples caucasiens n’ont presque pas changé. Or, il
faudrait bien analyser les leçons de l’Histoire et tirer profit de
cette expérience dans la vie contemporaine : les enjeux actuels sont
les mêmes que dans le passé récent. Les évènements se répètent à
l’identique. Dans cette perspective, il serait donc très instructif
de nous pencher sur l’Histoire des premières républiques
caucasiennes (1918-1921).
C’est à
partir du 18ème siècle que la Russie a commencé à
s’emparer du Caucase, et c'est à la suite de la Révolution russe en
1917, que les États caucasiens ont recouvré leur indépendance. Vers
1918, la région voit se former en son sein quatre républiques : la
Géorgie, l’Azerbaïdjan, l’Arménie et la République montagnarde du
Nord-Caucase, avec des intérêts divergents mais un ennemi commun.
Dès la
proclamation de l’indépendance de ces républiques, la Russie tente
d’envahir une région géorgienne – l’Abkhazie. En 1918, le pouvoir
soviétique y a envoyé les divisions des Cosaques rouges et encouragé
les séparatistes locaux à proclamer l’indépendance de la République
Abkhaze soviétique. La guerre civile a empêché la Russie de
mobiliser toutes ses troupes en Abkhazie, la Géorgie a donc profité
de la situation et récupéré la région. Plus tard, le régime
bolchevique a été remplacé par les généraux blancs, mais la ligne
directrice de la politique russe dans le Caucase n’a pas varié.
En 1919, les
« blancs » ont tenté à nouveau d’annexer l’Abkhazie, mais l’heureuse
présence des troupes britanniques dans la région a contribué à la
solution pacifique du conflit.
La Russie a plusieurs fois réitéré ce procédé en "Ossétie du Sud",
mais la guerre civile l'a maintenue à distance de son objectif en
1918-1921.
La Russie
savait parfaitement qu’il fallait affaiblir le Caucase du Nord avant
e s’emparer de la Géorgie. République montagnarde du Nord-Caucase
tenait le rôle d'un l’État tampon et protégeait le Caucase du Sud.
De leur côté, les politiques géorgiens et azéris comprenaient
parfaitement l’importance de la République des montagnards et la
soutenaient comme ils le pouvaient. Le président de la république
géorgienne, Noé Jordania écrit: Nous avons toujours réservé une
attention particulière à la République des montagnards… Nous ne leur
refusions jamais rien quand ils avaient besoin d’aide. En février
ils nous ont demandé du renfort en armes et notre gouvernement a
décidé de leur accorder le nécessaire de notre arsenal. Personne
d’autre n’a eu autant d’aide de notre part. Nous-mêmes, nous étions
dans le besoin, nous récupérions des cartouches dans les villages
pour 2 roubles la pièce… Nous étions en pénurie, mais ne refusions
rien aux montagnards. Pour quelle raison ? Nous savions qu’il
fallait fortifier nos frontières au nord. La montagne puissante nous
garantissait la protection contre l’agression de la part de Moscou.
Nous avions intérêt à la protéger et ce facteur déterminait notre
rapport avec la République des Montagnards.
Ces paroles restent d’actualité aujourd’hui et soulignent le rôle
important du Caucase du Nord. D’autre part, les écrits de Jordania
montrent que la Géorgie était le leader régional luttant pour
l’indépendance d’un État voisin.
La Géorgie
soutenait le Caucase du Nord et l’aidait non seulement sur le plan
militaire, mais lui fournissait également une aide diplomatique.
Dans les années 1919-1920 s'est tenue la Conférence de la Paix de
Paris qui devait analyser les résultats de la première guerre
mondiale et réfléchir sur l’avenir de la Russie après la chute du
tsarisme. À cette occasion, les Géorgiens, les Azéris et les
montagnards du Nord ont créé une commission commune qui
s’adresserait à la conférence au nom des trois États. C’est à ce
titre que, le 23 juin 1919, les membres de la commission ont demandé
à la conférence de ne pas reconnaître les droits de la Russie sur le
Caucase du Nord.
Néanmoins,
en été 1919, le Caucase du Nord a été envahi par un général
« blanc » - Anton Denikine - et la Russie est devenue le voisin
direct de la Géorgie et de l’Azerbaïdjan. Les deux républiques se
sont trouvées dans l’obligation de signer un accord assurant leur
union dans le cas de l’agression de la part d’un État tiers. Dans
l’accord, les signataires convenaient de régler leurs
différends territoriaux selon la règle de l’arbitrage. Les pays ont
informé le Président de la conférence, Georges Clémenceau (également
Président de la République Française), de la signature de cet accord
en précisant dans la lettre qu’il n’entrerait en vigueur qu'en cas
d’agression russe. Grâce à l’intervention des Britanniques, cette
agression n’a pas eu lieu.
Par
conséquent, on voit bien que les « blancs », tout comme les
« rouges », s’opposaient à toute idée d’indépendance
caucasienne et que les républiques étaient obligées de se défendre
tant militairement que sur le plan diplomatique. Les « rouges » et
les « blancs » souhaitaient rétablir les frontières telles qu’elles
étaient au temps des tsars et faisaient tout pour empêcher les
Républiques d’intégrer la famille « européenne ».
En
1918-1921, pour la Conférence de la Paix, la question de la Géorgie
et de l’Azerbaïdjan était une seule et même question qui s’ajoutait
à celle de la Russie. Les deux pays agissaient en accord sur le
niveau international et la Russie avait les mêmes objectifs les
concernant.
Mais il y avait un détail non-négligeable : le plus grand pipeline
de l’époque, celui de Bakou-Batoumi représentait un point très
intéressant pour les pays européens. Ce facteur unissait encore plus
la Géorgie et l’Azerbaïdjan : Batoumi et son port perdaient de leur
importance sans Bakou et vice versa. C’était l’époque où la Société
des Nations et l’Europe essayaient d’étendre leur influence vers
l’Est.
La menace
russe contre les républiques géorgienne, azéri et montagnarde
représentait un obstacle pour l’Europe. Ces pays agissaient en
commun, mais l’Arménie conduisait sa propre politique extérieure.
Cette république n’acceptait pas le statut quo concernant les
questions territoriales et conservait un différend avec tous ses
voisins (avec la Géorgie, l’Azerbaïdjan, mais surtout avec la
Turquie). Walter
Marion Sendler, membre du congrès américain et du lobby en faveur de
la Géorgie, de l’Azerbaïdjan et des États baltes,
écrivait que même en Amérique les chances de réussite étaient
infimes à cause de l’opposition arménienne. Ce facteur mettait en
danger l’unité caucasienne et représentait un piège pour chaque
république. Plus tard, l’ex-président arménien émigré, Hovhannes
Katchaznouni,
devait regretter cette politique « irréfléchie » qui a abouti à la
soviétisation des Républiques.
Chaque
république savait parfaitement que le danger russe était imminent et
que mêmes réunies, elles ne pourraient stopper l’agression russe à
elles seules. Ainsi, elles aspiraient à intégrer « la civilisation
occidentale ». Elles tâchaient d’obtenir le soutien militaire et
diplomatique des pays de l’Entente à la Conférence de la Paix.
L’intégration à la Société des Nations leur garantirait l’unité
territoriale et la sécurité.
Le sommet de
la SDN devait avoir lieu en novembre 1920. La Géorgie et
l’Azerbaïdjan avaient déposé une demande d’adhésion. Peu avant le
sommet, en avril 1920, la Russie annexait l’Azerbaïdjan, puis
l’Arménie en novembre. Les pays occidentaux se retrouvaient devant
le fait accompli : le Caucase entier, à l’exception de la Géorgie,
était envahi par la Russie, et la république géorgienne était
encerclée par les troupes russes. Vers la fin 1920, la Géorgie se
trouvait isolée dans la région et perdait son importance
géopolitique et économique. Cependant, même si la Géorgie avait eu
le soutien de la plupart des pays du monde et obtenu la
reconnaissance de son indépendance, personne ne se serait opposé à
la menace russe pour protéger la république dont le gouvernement et
le parlement démocratiques étaient l’une des constitutions les plus
avancées de l’époque. À la cession de la Société des Nations, le
vote concernant l’adhésion de la Géorgie eut bien lieu et les
résultats furent les suivants : dix pays votèrent pour, dix – contre
et quatre s'abstinrent. Le quota nécessaire à l’adhésion étant de 16
voix, la Géorgie ne put devenir membre de la SDN et la Russie n’eut
aucun mal à parachever l’annexion du Caucase vers février 1921.
Les pays
occidentaux ne sont pas intervenus pour protéger la Géorgie et on
peut considérer qu'il s'agit d'une erreur. Car la Russie ne s’est
pas contenté d'occuper le Caucase. Elle a attaqué la Finlande en
1939, annexé les pays baltes en 1940, instauré les régimes
totalitaires dans les pays de l’Europe de l’Est après la seconde
guerre mondiale, réprimé, persécuté et exécuté des millions de
personnes, divisé l’Europe par le rideau de fer, commencé la guerre
froide…
Autant de
manifestations du caractère impérialiste de la Russie qui ne se
contentait jamais de ce qu’elle avait et qui voulait repousser ses
frontières au prix des libertés des hommes et des pays. Arrêter
l’agression russe aux frontières du Caucase, aurait permis d’éviter
sa propagation en Europe. Malheureusement, dans les années
1918-1921, les pays européens n'avaient pas su anticiper et le
danger soviétique est resté d’actualité pendant des décennies. Il
conviendrait à présent d'éviter, dans l'intérêt de l’Europe, de
commettre la même erreur. L’intervention européenne dans la
« fortification » des pays caucasiens protégerait le vieux continent
de l’agression russe et lui donnerait la possibilité d’établir des
contacts avec le marché énergétique de l’Asie centrale.
Aujourd’hui
les peuples caucasiens sont l'objet des mêmes enjeux que ceux des
années 1918-1921. Les ambitions de la Russie n’ont pas changé et les
différends entre les pays de la région persistent. Nous pouvons dire
sans hésitation que les événements se répètent. Reprenons leur
déroulement…
Après la
dissolution de l’URSS, la Russie a commencé à faire éclater des
conflits dans la région. En Géorgie, elle a armé l’opposition et a
contribué à faire remplacer le président qui ne servait pas ses
intérêts – Zviad Gamsakhourdia. Ensuite, elle a commencé à
« organiser » des conflits dans les régions : les procédés et le but
étaient les mêmes que dans les années 1918-1921. La Russie a
encouragé le mouvement « nationaliste » dans l’Ossétie du Sud qui,
en réalité, ne demandait qu’à faire partie de la Russie, l’a armé,
et ce sont finalement les armées russes qui ont occupé le
territoire. Le même schéma s’est reproduit en Abkhazie mais cette
fois, avec l’intervention des Cosaques russes au lieu des Cosaques
« rouges » comme c’était le cas dans les années 1918-1921. La
politique russe ne change pas à travers les siècles. La conséquence
est que des dizaines de milliers de réfugiés ont été jeté sur les
routes.
Le but de
ces agressions était le même que celui des interventions des années
1918-1921 : rétablir les frontières de l’empire russe ou, pour le
moins, empêcher le développement des États caucasiens et leur
intégration dans l’Europe.
Au début des
années 90, la Géorgie était très affaiblie et manquait de soutien
international. La Russie en a profité pour occuper vingt pour cent
du territoire et l'a forcé à adhérer à la Communauté des États
Indépendants, considérée comme le substitut modernisé de l’URSS. En
parallèle, la Russie menait la guerre contre la Tchétchénie qu’elle
considérait comme un opposant fort. Cependant, elle préférait régler
la question de la Géorgie en premier. Elle a même utilisé les
tchétchènes dans la guerre en Abkhazie et les anciens collaborateurs
ont été entraînés dans ce conflit. Le premier Président de la
Géorgie était en bons termes avec les Tchétchènes, mais après son
départ obligé du pouvoir (provoqué par la Russie), la Géorgie et la
Tchétchénie ont cessé de coordonner leurs actions. Par conséquent,
la Russie n’a pas eu de mal à réaliser la maxime Divide et impera.
Cette erreur lourde de conséquence a été commise des deux côtés.
Après la participation des tchétchènes dans la guerre de l’Abkhazie,
ont eu lieu deux guerres en Tchétchénie. Cela va de soi, une fois
que la Géorgie était affaiblie, il était très facile de vaincre les
autres régions du Caucase.
Un homme
politique des 19-20ièmes siècles, Giorgi Lashkhishvili,
ancien ministre de l’éducation de la République de la Géorgie nous
rapporte une conversation qu’il a eue avec un Tcherkesse au goulag :
- j’ai eu l’impression qu’il ne voulait pas répondre à nos
questions. Ensuite, il nous a demandé d’où l’on venait et quand il a
appris que nous étions géorgiens, il s’est dit enchanté. Il est
resté silencieux un moment, puis il a soupiré et dit : - Notre pays
a péri quand le soleil du Caucase s’est couché. J’ai cru qu’il
parlait de Shamil et lui ai demandé quelque chose le concernant. –
Non, jeune homme, dit-il, je ne parle pas de Shamil, le soleil du
Caucase est la Géorgie. C’est avec elle que nous avons péri. Le
vieux Tcherkesse faisait allusion au Traité de Guiorkievsk (1783)
qui a largement facilité à la Russie l'accès du Caucase.
Si l’on
n’oublie pas les leçons de l’histoire, il n’y a rien d’étonnant dans
le fait que les chefs d’État géorgiens aient toujours été en bonne
relation avec les peuples nord-caucasiens. La Géorgie, en tant
qu'État central du Caucase, se doit de réunir les peuples caucasiens
autour du principe de liberté.
Le fait que
le Caucase ne soit pas unifié dans sa politique extérieure, facilite
l'action de la Russie. Comme en 1918-1921, lorsque l’Arménie
freinait l’unité caucasienne. Depuis lors, peu de chose ont changé.
L’Arménie exige toujours de la Turquie la reconnaissance du génocide
et se trouve dans un conflit avec l’Azerbaïdjan concernant le
Haut-Karabagh. Ainsi, l’Arménie s’isole du reste du Caucase et perd
l’opportunité de participer à des projets internationaux, tels que :
le pipeline reliant la mer Caspienne à l’Europe et le projet
ferroviaire associant le vieux continent à la Chine. Ce faisant,
l’Arménie refuse toute possibilité d’établir des contacts
commerciaux avec ses voisins.
D’autre
part, ce manque d’unité dans la région entrave toute possibilité de
développement économique du Caucase, son intégration euro-atlantique,
et permet à la Russie d’exercer le contrôle sur le territoire. Pour
les mêmes raisons, la Géorgie bénéficie du soutien des autres pays
de la région et de l’Europe. Cette intégration offre certainement la
seule protection contre les agressions russes, ainsi la Géorgie a
été le premier pays caucasien à avoir intégré le Conseil européen en
1999
et à essayer de devenir membre de l’OTAN.
Dans les
années 1918-1921, il y eut un différend comparable entre la Géorgie
et l’Azerbaïdjan, au sujet de territoires. Il s’agissait des régions
de Kakhi, Zakhatala et Belakhani, mais aujourd’hui les pays sont à
nouveau en bons termes. Pour la Géorgie, l’Azerbaïdjan est le
principal fournisseur en énergie et un investisseur important. Les
aspirations des deux pays concernant la politique
internationale, l’attachement aux principes de souveraineté,
d’intégrité territoriale, sont les mêmes. Les deux pays œuvrent pour
l’intégration européenne. Sans cette union, ces pays perdraient de
leur importance géopolitique et économique. C’est ce qui a poussé le
Président de la Géorgie à déclarer en 2009 à Bakou que la Géorgie et
l’Azerbaïdjan ont créé une confédération non-officielle.
Pour
conclure, il faudrait dire que la ligne caucasienne
Turquie-Géorgie-Azerbaïdjan est un bon exemple de collaboration en
dépit de conflits historiques. La Géorgie occupe une place centrale
dans cette collaboration et il serait impossible de réaliser des
projets internationaux sans son soutien.
Les
agressions russes contre la Géorgie et l’occupation de ses
territoires s’expliquent par le désir de changer les orientations
politiques du pays, de détruire cette ligne caucasienne et
d’instaurer le contrôle absolu sur le Caucase. C'est pour des
raisons exactement inverses, que la Géorgie bénéficie du soutien de
plusieurs pays et surtout du monde occidental. La consolidation des
peuples caucasiens et leur intégration à l’OTAN est la seule
solution possible contre la menace russe. Il faut souligner que la
Géorgie a été le premier pays caucasien à adhérer au Conseil
européen en 1999
et à essayer d’intégrer l’OTAN.
Plusieurs
faits historiques prouvent qu’il est impossible d’envisager quelque
forme de collaboration avec la Russie sans un soutien international
solide. La Russie a transgressé le Traité signé par le roi de la
Géorgie et l’empereur russe en 1783 et 18 ans après, en 1801, a
annexé la Géorgie pour 117 ans. Après la chute du tsarisme, la
Géorgie a retrouvé son indépendance et a signé, en 1920, avec la
Russie soviétique un contrat international dans lequel la Russie
reconnaissait l’indépendance de la Géorgie. Quelques mois après, la
Russie a, de nouveau, envahi la Géorgie pour 70 ans. Pendant la
guerre d’Abkhazie deux cessez-le-feu ont été signés : le 3 septembre
1992 à Moscou et le 28 juin 1993 à Sotchi. Dans les deux cas,
la Russie promettait de retirer ses troupes et l’artillerie des
territoires géorgiens,
mais dès que l’artillerie lourde géorgienne a quitté les
territoires, les régiments russes ont repris l'offensive contre les
soldats géorgiens restés sans protection et Soukhoumi a capitulé.
Actuellement, la Russie ne respecte pas plus le document en six
points signé après la guerre du mois d’août 2008 qui l’engage à
retirer ses troupes des territoires géorgiens et à donner aux
observateurs internationaux la possibilité de travailler en
l’Abkhazie et en « Ossétie du sud». La Russie continue à occuper ces
territoires.
Les faits
décrits sont suffisants pour qualifier la Russie de partenaire
non-fiable, mais la situation internationale actuelle est différente
de celle de 1918-1921 :
En 1919, le
membre du Congrès américain - Walter Mayron Chendler déclarait
que la Géorgie et l’Azerbaïdjan avaient du mal à trouver le
soutien américain, aujourd’hui les États Unis sont un des principaux
alliés de la région, et la Charte de coopération stratégique signée
entre la Géorgie et les États Unis garantit le développement de ces
relations.
En 1921 les
pays caucasiens étaient isolés face à la Russie, la région
intéresse, à présent, beaucoup la communauté internationale. Ces
pays font partie des organisations internationales telles que
l’Organisation des Nations Unies, l’OSCE, le Conseil européen. La
Géorgie, l’Arménie et l’Azerbaïdjan participent dans le programme de
partenariat de l’Union européenne avec l’Est et cela les rapproche
de leur but de devenir membre de l’Union Européenne.
En 1920,
quand elle voulait devenir membre de la SDN, la Géorgie n'a pu
compter que sur le soutien de 10 États, la Géorgie d’aujourd’hui
bénéficie d’un soutien beaucoup plus large. Dans la déclaration de
Bucarest de l’OTAN, tous les pays-membres ont unanimement déclaré
que la Géorgie deviendrait membre de l’organisation.
Devenir membre de l’OTAN est, pour
la Géorgie, synonyme de la sécurité et facilitera pour ses pays
voisins l’intégration dans les structures européennes.
En septembre
2010, l’Assemblée générale de l’Organisation des Nations Unies a
adopté la résolution concernant la reconnaissance de droit de retour
des déplacés dans leurs domiciles sur le territoire géorgien, en
Abkhazie et en Ossétie du Sud.. Tous les pays européens ont
soutenu cette résolution. La Russie a obtenu quant à elle le soutien
de régimes "autoritaires" tels que le régime Mugabé au Zimbabwe, le
régime Béchir au Soudan, le régime Chavez au Venezuela etc…
Pour l’instant la Russie reste sourde à l’appel des pays
démocratiques, mais cela ne devrait pas durer et elle sera bientôt
contrainte d’y prêter attention.
Dans les
années 1918-1921 la Turquie était un adversaire de la Géorgie,
aujourd’hui elle compte parmi ses partenaires et forme avec elle et
l’Azerbaïdjan, la ligne caucasienne. Cette ligne fournit à l’Europe
des ressources énergétiques et naturelles. Cela concourt à rendre la
région encore plus attrayante et contribue à son développement.
Dans les
années 1918-1921 les États caucasiens étaient de jeunes états, elles
disposent maintenant d'institutions fonctionnelles et les progrès
réalisés dans la région sont visibles pour le monde entier. Pour
exemple : sur la liste de la Banque mondiale, la Géorgie occupe la
12ème place mondiale concernant la facilité de l’activité
économique, la 8ème pour la facilité à initier ou entreprendre une
activité économique et la 2ème place pour la facilité à déclarer des
biens.
Le
gouvernement russe fait tout son possible pour restaurer l’empire
soviétique. En 2005, le président Poutine déclarait que la
dissolution de l’URSS était la plus grande catastrophe géopolitique
du 20ème siècle
.
Cependant,
l’Histoire a prouvé que les Empires ne durent pas. L’Empire russe
s’est effondré deux fois au 20ème siècle, la première
fois à la chute du régime tsariste par laquelle le peuple finnois a
retrouvé l’indépendance et la deuxième fois, à la dissolution de
l’URSS où la Pologne, les pays baltes et l’Europe de l’Est ont
retrouvé leur liberté. Tôt ou tard, les peuples caucasiens seront
libres.
Béka
KOBAKHIDZE est un jeune historien de l'Université d'Etat I.
Djavakhichvili de Tbilissi. Il est titulaire d'un doctorat et dont
le sujet de thèse porte précisément sur "La question de la Géorgie à
la conférence de la Paix de Paris". Il est également titulaire
d'une licence en Diplomatie et Relations Internationales. Il
travaille également auprès d'organisations internationales.
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Alexandre Kvitachvili
La Géorgie indépendante et l’Université d’Etat
de Tbilissi
Alexandre KVITASHVILI
Recteur de l'Université I.
Djavakhishvili, Tbilissi
Je vous
salue au nom de l’Université d’Etat de Tbilissi. Comme vous le savez
sans doute, l’évènement le plus important dans l’histoire de notre
pays - la proclamation de l’indépendance de la Géorgie et la
création de la première république indépendante géorgienne - a
été précédé par deux autres événements importants - la restauration
de l’autocéphalie de l’Eglise géorgienne et la création de la
première université en Géorgie et dans le Caucase. Il est
clair que la coïncidence n’est pas fortuite, car dans un contexte
politique compliqué, ces facteurs ont contribué à renforcer la
cohésion de la société géorgienne de l’époque.
L’idée de la
création de l’université géorgienne est née dans la première moitié
du XIXe siècle, au moment où se renforçait le mouvement pour
la libération de la Géorgie, qui cherchait alors à s’extraire des
griffes de l’Empire russe. Le mouvement pour la création de
l’université, mené par l'intelligentsia géorgienne formée en Russie,
a pris une ampleur nationale et les "Tergdaleuli" en ont
commencé une nouvelle étape. La création de la Banque des Nobles par
Ilia Tchavtchavadze a partiellement résolu la question financière -
dans tout l’empire russe, c’était la seule banque à mettre ses
bénéfices au service de la culture et du système éducatif du pays.
Cependant, l’Université géorgienne n’a pu être créée: pour
contrecarrer l’idée de la création de l’Université de Tbilissi et
appuyer ses intérêts en Géorgie, le gouvernement russe a fondé
à Tbilissi même l’université du Caucase. Malgré le soutien du
gouvernement russe l'université du Caucase a rapidement été fermée.
Après
la révolution russe, en 1917, la création de l’université
géorgienne est devenue possible. Début 1917, une réunion sur le
sujet a eu lieu au cinéma Elite. Dans son discours, I.
Djavakhishvili a souligné l’importance et la nécessité de la
création de l’université et appelé les chercheurs géorgiens résidant
en Russie à rentrer en Géorgie. Des sommes d’argent et des livres
arrivaient de toute la Géorgie. La société géorgienne avait un but:
créer une université correspondant aux aspirations nationales et
servant la culture, l’éducation et la recherche géorgiennes. Le 12
mai 1917, les fondateurs de l’université se sont réunis pour la
première fois dans l’appartement de Petré Melikishvili, à Tbilissi.
C’est le 12 mai qu’a été créée la société de l’université libre. Il
a fallu attendre le 8 février 1918 (le 26 janvier selon l’ancien
calendrier) le jour de David Agmashenebeli - David Le Bâtisseur,
pour que soit inaugurée l'Université de Tbilissi - le premier
établissement européen du Caucase. Elle était dirigée par Ivane
Djavakishvili, formé à l’université de Petersbourg.
L’Université
a été bénie par le patriarche catholique de la Géorgie - Kirion 2 :
“ Le jour de la création de l’université géorgienne est arrivé.
L’aspiration vers la lumière, la soif du savoir et l’amour de
l’authenticité ont réuni beaucoup de monde ici aujourd‘hui. L’homme
est créé pour la lumière et la nature a fait en sorte que le talent
divin de recherche de la vérité lui soit inné, c’est grâce à ce
talent que l’homme est libre. Mes félicitations; chers fondateurs de
l’Université et je vous souhaite beaucoup de succès dans votre
activité, pour le bonheur de notre peuple”.
Le membre du
Conseil national et du Comité exécutif de la Géorgie, Akaki
Tchkenkheli, a détaillé la politique d’enseignement du gouvernement
géorgien à la soirée de l’inauguration de l’Université de Géorgie.
Il a appelé les fondateurs de l’université à élaborer un système
unitaire de l’enseignement national et à utiliser l’expérience des
Etats européens. Cette politique du gouvernement géorgien et
des fondateurs de l’Université s’opposait radicalement aux intérêts
russes bolchéviques qui ont longtemps essayé de renforcer leur
influence au sein de l’université.
La création
de l’université à Tbilissi était également un évènement très
important à l’échelle caucasienne. A la lettre de la diaspora ossète
de “ Vladikavkaz” dans laquelle il était demandé à Ivane
Djavakishvili à qui étaient destinées les études universitaires,
Djavakhishvili répondait que tous les jeunes y avaient accès sans
distinction de sexe, de religion ou d'appartenance ethnique et que
la langue d’enseignement était le géorgien.
Pour les
fondateurs, l’essence de l’activité de l’Université résidait dans
son autonomie, son indépendance vis à vis de l’Etat. Sa
réglementation interne devait être immuable. L’Université devait
sans doute suivre la vie sociale, mais cela ne voulait pas dire que
la recherche scientifique devait être commandée, déterminée ou
influencée par le cursus ou les partis politiques. C'est à la base
de ce principe même de l'indépendance de l'université, qu'Ivane
Djavakhishvili a élaboré la règlementation de l’Université,
définissant le rapport entre celle-ci et l’Etat.
D’après la
législation, le conseil de professeurs respectait strictement cette
la législation immuable et dirigeait l'enseignement et la recherche
en restant indépendant vis à vis de l'Etat. Cependant, il est
intéressant de signaler que le conseil des professeurs de
l’université devait fournir tous les ans la liste complète des cours
et des informations sur le parcours scientifique des chargés de
cours au Ministère de l’Education. Ainsi, le gouvernement avait une
seule fonction - celle de contrôle. Cette conception universitaire
développée par Ivané Djavakhishvili et son équipe, fondait un
système éducatif qui correspondait au développement de la république
géorgienne et à ses aspirations européennes.
Avec son
corps enseignant et ses étudiants, l'Université a toujours
activement participé aux événements politiques de la Géorgie. Le 20
décembre 1918, l’Arménie a attaqué la toute jeune république
géorgienne sans avoir déclaré la guerre: après l’intervention
pacifique de la Grande Bretagne et de la Mission bolchévique russe
la guerre a cessé. Une zone démilitarisée a été établie, mais les
gouvernements arménien et géorgien n’ont pas trouvé d'accord et une
commission d’arbitrage internationale a été créée. Le travail de
celle-ci n’a pas non plus porté ses fruits et le différend
territorial entre les républiques caucasiennes n'a pas été résolu.
Selon le décret du gouvernement géorgien et sous la direction de I.
Djavakhishvili et P. Ingorokva a été créée une commission qui a
étudié et établi la frontière entre la Géorgie et l’Arménie ; mais
la Géorgie n’a malheureusement pas pu récupérer les territoires
perdus lors de cette guerre - elle a été victime des accords secrets
passés entre des Etats puissants.
L’Université
a endossé une autre fonction très importante - elle a été le lieu le
plus sûr pour la sauvegarde du trésor national: c’est à l’Université
que se réunissaient la société d’histoire-ethnographie, le cabinet
d’art universitaire, la société pour l’alphabétisation de la Géorgie
et le musée ecclésiastique des antiquités. Ils avaient un but -
conserver chaque objet d’art pour les générations futures et étudier
leur histoire. Le rôle du musée ecclésiastique des antiquités a été
particulièrement important en 1921. Le 16 février 1921 lors des
attaques menées par l’armée rouge, Ivane Djavakhishvili, Ekvtime
Thakaishvili et Léonide, le patriarche catholique de la Géorgie,
prenait la décision, en accord avec le gouvernement provisoire de la
Géorgie, de recenser et mettre sous scellé le trésor national
géorgien. Des boîtes étaient préparées au deuxième étage de
l'Université pour être acheminées à la gare. Ainsi, c'est à
l’université qu'a été prise la décision d’envoyer le trésor national
à l’étranger. Alors que la 11e armée était aux portes de
Tbilissi, le Recteur de l’Université Ivane Djavakhishvili adressait
une lettre au comité de défense du présidium de l'Assemblée
Constituante de la Géorgie: " Nous avons l’honneur de vous adresser
le décret du conseil professoral de l’Université d’Etat de Tbilissi
signé à la réunion du 16 février 1921, convoquée en urgence à cause
de la situation au front de guerre: a) Les professeurs de
l’Université d’Etat de Tbilissi et tout le corps enseignant sont
prêts à sacrifier leur savoir, toute leur expérience et leur vie à
leur patrie et demandent au comité de les mettre à disposition de la
Géorgie. b) Les portes des laboratoires de sciences
naturelles, de mathématiques et de médecine sont ouvertes pour les
besoins de la guerre. Le Recteur de l’Université a appelé les
étudiants à défendre leur patrie - C’est vrai, il nous manque des
matériaux de guerre et plein d’autres choses, mais notre sage peuple
a dit - si le cœur est de fer, peu importe que l’armure soit en bois
- la cathédrale blanche de notre culture nationale bénira tout ceux
qui partiront au champ de bataille."
L’université
a toujours servi la cause géorgienne et œuvré pour la propagation
des valeurs démocratiques en Géorgie: voilà pourquoi le gouvernement
bolchévique a tant persécuté les enseignants et les étudiants
progressistes. Au cours de la période soviétique, l'activité de
l’intelligentsia rouge n’a pas réussi à faire disparaître les signes
de l’identité nationale et les aspirations à la liberté et la
démocratie. En témoigne le mouvement né à l’Université le 14 avril
1978, qui a permis de conserver le géorgien comme langue d’Etat. La
lutte pour sauver le monastère David Garedji a également été initiée
dans notre université.
A partir de
1918, l’Université d’Etat de Géorgie s’est trouvée à l’épicentre de
tout événement important survenant en Géorgie - au centre des
événements politiques, mais aussi de la lutte pour l’indépendance et
du développement de la recherche... L’université a joué un rôle
primordial dans le développement du pays selon le modèle européen.
Au XXe siècle le destin de l’Université était étroitement lié
à celui de notre pays - ainsi, nous pouvons le dire haut et fort,
l’histoire de l’Université de Tbilissi est celle de la Géorgie
indépendante.
Alexandre (Sandro) KVITASHVILI
Sandro KVITASHVILI est Recteur de l'Université
d'Etat I. Djavakhichvili de Tbilissi. Historien de formation. Après
un Master à l'Université de New-York. Il a exercé dans plusieurs
organismes internationaux comme directeur financier avant de prendre
la direction de programmes de développement économique dans le
secteur de la santé pour lesquels il est un expert reconnu. Sandro
KVITASHVILI est nommé en 2008 Ministre du Travail de l'Action
sociale et de la santé avant de prendre se fonctions à l'université
en septembre 2010.
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