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CONFÉRENCE "GÉORGIE 2011- 20 ANS D'INDÉPENDANCE

საქართველო 2011 "დამოუკიდებლობის 20 წელი"

 

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ქართულად

 

 

GEORGIE 2011

Press Release

 

apprécier le chemin parcouru et la place de la Géorgie dans l'espace européen, évaluer la situation du "verrou du Caucase",
anticiper l'évolution de sa constitution.
 

90 ans après l'annexion de la Géorgie  par la Russie
et après 20 ans d'indépendance recouvrée

l'Association Géorgienne en France

organise

 

sous le Haut Patronage et avec la contribution de
Mikheil SAAKASHVILI
Président de la République de Géorgie

GEORGIE 2011
20 ans d'indépendance

 

Older version of COA of Georgia

 

avec la participation de

           Tornike GORDADZE, Vice Ministre des Affaires Etrangères

en partenariat avec l'Université d'Etat I. Djavakhichvili de Tbilissi

      Alexandre KVITASHVILI, Recteur de l'Université

      Professeur Malkhaz MATSABERIDZE

      Professeur Beka KOBAKHIDZE

Othar ZOURABICHVILI, Président de l'Association Géorgienne en France

avec le soutien de l'Ambassade de Géorgie en France

 

                   lundi 27 juin 2011 à 17h30

                   Grand Palais

                   CAPE (Centre d'Accueil de la Presse Etrangère)

                   Perron Alexandre III - Cours la Reine - 75008 Paris

 

français , géorgien (traduction simultanée)

contact et confirmation : georgie.conf@gmail.com

 

 

==>Pour  de plus amples informations suivez le lien : http://s371434828.siteweb-initial.fr/?logincallout=1#close-all 

 

qarTulad

saqarTvelo 2011

"damoukideblobis 20 weli"

Sedegebi da perspeqtivebi

   

 parizi 2011 w.

 
 

saqarTvelos damoukideblobis aRdgenis
20 wlisTavTan dakavSirebiT

safrangeTSi mcxovreb qarTvelTa saTvistomom parizis gran paleSi gamarTa

konferencia, romlis Tavmjdomare iyo

saqarTvelos prezidenti

m. saakaSvili

 

konferenciaSi monawileoba miiRes:

 

T. gordaZem,  sagareo saqmeTa ministris moadgilem,

a. kvitaSvilma, Tbilisis sax. universitetis  reqtorma

m. macaberiZem Tbilisis sax. universitetis  profesorma

 b. kobaxiZem Tbilisis sax. universitetis  profesorma

o. zurabiSvilma, safrangeTSi mcxovreb qarTvelTa saTvistomos prezidentma

 

konferencia gaimarTa safrangeTSi saqarTvelos elCis mxardaWeriT.

 

safrangeTSi  mcxovreb qarTvelTa saTvistomos mier gamocemul broSuraSi gamoqveynebulia moxsenebebi rogorc frangul, aseve qarTul enaze.

 
 

 

VIDEOS

 

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http://www.youtube.com/watch?v=F3sOqumPinI

Conférence Géorgie 2011 à Paris
"20 ans d'indépendance"
Bilan et perspectives

Intervenants :Othar Zourabichvili, Président de l'Association Géorgienne en France
Mamuka Kudava, Ambassadeur de Géorgie en France
Guiorgi Baramidze, Vice-Premier Ministre d'Etat à l'intégration Euroopéenne et Euro Atlantique

კონფერენცია საქართველო 2011 ქალაქ პარიზში
"დამოუკიდებლობის 20 წელი"
შედეგები და პერსპექტივები

consulter ici l'intégralité de la version écrite de l'intervention n°1

 

 

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      http://www.youtube.com/watch?v=UL2GoWU0BxM

Conférence Géorgie 2011 à Paris
"20 ans d'indépendance"
Bilan et perspectives

Question : Mirian Meloua
Réponse :
Guiorgi Baramidze, Vice-Premier Ministre d'Etat à l'intégration Euroopéenne et Euro Atlantique

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"დამოუკიდებლობის 20 წელი"
შედეგები და პერსპექტივები

consulter ici l'intégralité de la version écrite de l'intervention n°2

 

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http://www.youtube.com/watch?v=bGzmTVjKjRs

Conférence Géorgie 2011 à Paris
"20 ans d'indépendance"
Bilan et perspectives

Intervenant : Tornike Gordadze , Vice Ministre des Affaires trangères de Géorgie
კონფერენცია საქართველო 2011 ქალაქ პარიზში
"დამოუკიდებლობის 20 წელი"
შედეგები და პერსპექტივები

consulter ici l'intégralité de la version écrite de l'intervention n°3

 

 

 

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http://www.youtube.com/watch?v=8W5KueFu8KI

Conférence Géorgie 2011 à Paris
"20 ans d'indépendance"
Bilan et perspectives

Extrait de l'intervention du Professeur Malkhaz Matsaberidze, de l'Université d'Etat de Tbilissi

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"დამოუკიდებლობის 20 წელი"
შედეგები და პერსპექტივები

consulter ici l'intégralité de la version écrite de l'intervention n°4

 

 

 

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http://www.youtube.com/watch?v=JgZHtWAwc3g

Conférence Géorgie 2011 à Paris
"20 ans d'indépendance"
Bilan et perspectives

Fin de l'intervention du Professeur Malkhaz Matsaberidze, de l'Université d'Etat de Tbilissi
et extrait de l'intervention du Professeur Beka Kobakhidze de l'Université d'Etat de Tbilissi

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"დამოუკიდებლობის 20 წელი"
შედეგები და პერსპექტივები

consulter ici l'intégralité de la version écrite de l'intervention n°5

 


 

PHOTOS MERAB ODICHELIDZE

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


 

TEXTES DES INTERVENTIONS

Othar Zourabichvili ;      Guiorgui Baramidze ( Message du Président Mikheil Saakachvili) ;        Tornike Gordadze;

Alexandre Kvitachvili;

Malkhaz Matsaberidze;                Beka Kobakhidze


 consulter ici l'intégralité de la verSsion écrite de l'intervention n°1

 

Othar Zourabichvili

Président de l'Association Géorgienne en France

Au cours de son histoire pluriséculaire, tout au long  du 20e et au début de ce 21 siècle, la Géorgie, a été l'objet de tous les tourments de l'histoire.

Qu'on la décrive comme la frontière de l'Europe, la dernière marche de l'Occident Chrétien avant l'Orient musulman, ou comme une unité politique qui s'éloigne rapidement de la banquise russo- soviétique, la Géorgie reste le laboratoire des interrogations de son temps, l'objet de débats stratégiques qui concernent tant la Russie que l'Europe et les Etats-Unis. Les regards croisés que portent sur la Géorgie les historiens et les hommes politiques qui participent à cette conférence et qui nous proposent leurs analyses permettront d'éclairer les débats.

La tragique annexion de la Géorgie de 1921, dont c'est aujourd'hui le 90e anniversaire, et le 20e anniversaire de la restauration de l'indépendance en 1991, nous donnent  l'opportunité de lire ces évènements et de tenter de mettre en lumière leurs causes et leurs mécanismes, d'en percevoir les similitudes et d'identifier des différences pour mieux comprendre les enjeux d'aujourd'hui.

Cette année 2011 est donc exceptionnelle à ce double titre. La conférence à laquelle vous nous faites le plaisir d'assister, l'est aussi par la nature de ces intervenants.

Je tiens ici à saluer et remercier le Président Mikheil Saakashvili, qui a accepté de s'associer à cette conférence et qui nous honore de sa riche contribution.

L'Université d'Etat, Ivané Javakhishvili de Tbilissi, créée en 1918, en même temps que la République de Géorgie, est représentée par son Recteur, Sandro Kvitashvili. Nous lui sommes reconnaissants à double titre : d'avoir, dès l'origine, fait sienne la participation d'historiens, universitaires géorgiens, et de nous rappeler, dans son intervention, le rôle de l'Université géorgienne. Université qui a, dès sa naissance, été marquée par l'esprit de l'indépendance et qui a servi de terreau fertile et couvé, les universitaires qui allaient la faire renaître.

Rappelons qu'en 2007, des liens officiels ont été établis entre l'émigration représentée par l'Association Géorgienne en France et l'Université. Ainsi, une bourse récompense  aujourd'hui  des étudiants en Littérature Française.

Le professeur Malkhaz Matsabéridzé, historien et docteur en science politique, est un spécialiste de l'histoire de la constitution géorgienne. Son analyse de la constitution, celle de l'indépendance de 1918, puis celle de la restauration de l'indépendance, jusqu'à celle en gestation, nous permettra de comprendre l'inspiration de celle-ci.

Le Professeur Beka Kobakhidzé appartient à la toute jeune génération des universitaires formée dans les universités géorgiennes et étrangères. Il analysera les changements de l'environnement géopolitique de la Géorgie.

Thornike Gordadzé est Vice-ministre des affaires étrangères. Il a été formé à l'école des Sciences Politiques et est particulièrement au fait des affaires européennes. Il nous montrera l'évolution des rapports de la Géorgie avec les organisations internationales.

Ces regards et analyses croisés vous permettront, je l'espère, d'enrichir votre connaissance de la Géorgie Moderne et de mieux comprendre ses aspirations.


 

Othar ZOURABICHVILI

Othar Zourabichvili est fils et petit-fils d'émigrés politiques (Levan, son père a combattu sa vie durant en faveur de la restauration de l'indépendance géorgienne, Vano Zourabichvili, son grand père était Député de la Géorgie indépendante). Il est également l'arrière petit fils de Nico Nicoladzé.

Othar Zourabichvili est impliqué depuis son plus jeune âge dans les activités de l'émigration politique géorgienne à l'étranger. Dès 1973, Président du Comité Helsinki en France il soutient le combat des militants géorgiens en particulier celui de Zviad Gamsakhurdia et Merab Kostava. Il est nommé, en 1991, sous la Présidence de Zviad Gamsakhourdia, par le Parlement premier Représentant de la Géorgie indépendante en France. Il s'oppose au coup d'état qui a porté au pouvoir Edouard Chevardnadze et au pouvoir que ce dernier a exercé par la suite.

Othar Zourabichvili est depuis 2006 Président de l'Association Géorgienne en France.

Association Géorgienne en France

L’Association Géorgienne en France a été fondée en 1922 par les réfugiés politiques géorgiens.

En 1921, au lendemain de l’invasion de la Géorgie (alors République indépendante) par l’armée rouge, le gouvernement géorgien, quelques intellectuels et une poignée d’hommes politiques, choisissent de continuer le combat en France, le pays qui, pour eux, symbolise le mieux l’esprit de liberté dont ils se réclament.

Aujourd’hui encore, à la 3e génération de français d’origine géorgienne à laquelle se sont joints de nouveaux émigrants géorgiens, l’Association Géorgienne reste fidèle à ces mêmes principes.



 

 

 

 consulter ici l'intégralité de la version écrite de l'intervention n°2

Mikheil SAAKASHVILI

Président de la République de Géorgie

 Message du Président lu par

Guiorgi Baramidze, Vice-Premier Ministre d'Etat à l'intégration Euroopéenne et Euro Atlantique
 

Il est rare qu'un groupe social incarne le drame historique de sa propre nation. C'est, ce qu'a vécu  l'émigration géorgienne en France après l'occupation soviétique de la Géorgie en 1921. Cette émigration, bien que limitée en taille, est importante par les valeurs nationales et culturelles qu'elle porte.

Il n'y a pas si longtemps dans notre pays, les nombreuses années d'oppression soviétique réussissaient à faire disparaître tous les attributs de l'état géorgien et effaçaient chez presque tous les citoyens leur conscience nationale et de leur mémoire, la Géorgie indépendante. Au cours de cette période, les émigrés géorgiens en France préservaient, en exil, l'état géorgien, les valeurs nationales et d'indépendance.

Cette étincelle de vie trouvait, peu à peu, son écho en Géorgie, rassemblait les géorgiens et rallumait l'espoir de l'indépendance. Cette force de vie qui refusait la défaite, n'a jamais faibli alors même que pendant 70 ans le rétablissement d'un état de droit n'était, pour beaucoup, qu'une utopie. Cette émigration était la seule voix qui nous empêchait d'oublier comment étaient éradiquées nos valeurs nationales, comment nous avait été arrachée notre souveraineté. La seule voix qui nous rappelait notre histoire et nous incitait à garder notre combativité et à rechercher la victoire.

Presque un siècle s'est écoulé depuis la perte de notre indépendance. Le monde a changé, mais notre pays reste face à des craintes identiques. L'empire du Nord a conservé son agressivité et fait craindre pour notre indépendance. Nous prêtons une attention particulière à la réalité présente et veillons à l’avenir de notre pays sans pour autant oublier les cruelles leçons du passé. En effet, au cours du siècle passé, notre pays n'a connu que douze années d'indépendance au cours desquelles par trois fois la Russie a attenté d'y mettre un terme. Trois agressions et autant de leçons qui nous permettent, aujourd'hui, d'analyser et de fonder lucidement nos décisions présentes et futures.

Au cours des années 1993-95, alors que la Géorgie vivaient ses heures les plus difficiles, que s'écroulait tout système de défense et que nous basculions dans les affres de la guerre civile, le gouvernement d'alors pour sortir de cette situation apparemment sans issue, conviait lui-même l'armée russe et donnait à Moscou le pouvoir, de désigner les ministres de la défense, de la sécurité et de l'intérieur. La Géorgie entrait dans la CEI et la Russie obtenait la promesse d'y maintenir son armée pour les 25 prochaines années.

En 1991, lorsque le KGB tentait un coup d'état militaire contre Gorbatchev et que le Kremlin annonçait sans ambages qu'il fallait restaurer l'Union Soviétique, le tout jeune état géorgien ne disposait pas de forces suffisantes pour s'opposer et était contraint, dans cette situation d'impuissance, de se séparer de la garde nationale et des forces armées. Le Président placé dans une situation critique incitait la population à éviter le conflit avec les forces d'occupation. Le coup d'état fomenté par le KGB échouait, mais la Géorgie avec "l'aide" de Moscou ne pouvait éviter la guerre civile qui allait la précipiter dans le chaos.

Dans les années 1918-1921, de façon similaire, la jeune République géorgienne, pour se préserver, décrétait la neutralité et recherchait un compromis avec la Russie en légalisant le parti communiste - ce qui permettait à la Russie d'agir sur le territoire géorgien. Une année plus tard, en violation des accords, l'Empire soviétique envahissait la Géorgie. La Géorgie tenta de s'opposer à celui-ci, mais totalement isolé et sans soutien international, fût vaincue. Le gouvernement était contraint de quitter d'abord Tbilissi, puis la Géorgie et, 70 ans, le drapeau soviétique flotta sur Tbilissi.

Par trois fois, Tbilissi dût être concédée et la Géorgie vaincue. Par trois fois nous avons perdu notre indépendance ou sombré dans la guerre civile.

Les tentatives de circonvenir notre indépendance se sont poursuivies au cours du 21e siècle. A l'été 2008 nous avons été placés face à un choix similaire. Cette fois, nous avons décidé de ne pas céder et de nous opposer tant que nous en conservions la force. Décision qui ne relevait  ni d’un souhait, ni d'un choix délibéré, mais qui était uniquement dictée par un devoir national. La justesse de cette décision sera appréciée par l'histoire.  Nous pouvons, dès aujourd'hui, néanmoins affirmer que ce choix nous a permis de conserver notre souveraineté, un état fonctionnel et de préserver la paix civile. La guerre de 2008 a profondément marqué notre état et le développement de la stabilité. Nous avons perdus 170 militaires, 14 policiers et 228 civils. Ce conflit a déplacé plusieurs dizaines de milliers de citoyens. Sans, pour autant, nous faire renoncer à nos libertés, à notre indépendance, nous faire abandonner notre unité  nationale, ni parvenir à anéantir notre armée en dépit d'une supériorité marquée, aussi bien numérique que  matérielle. Notre armée s'est battue valeureusement pour défendre notre pays et reste prête à défendre nos libertés autant qu'il sera nécessaire. 

L'armée russe a été stoppée dans sa progression vers la capitale, par la mobilisation internationale en faveur de la petite Géorgie. Le pouvoir russe n'a ni pu empêcher notre marche vers une société plus démocratique, ni non plus générer une confrontation au sein de la population civile. La Géorgie a marqué le pas, mais s'est ressaisie et poursuit son objectif.

Nous sommes aujourd'hui une nation et un état d'une tout autre nature, que ne menacent ni le chaos, ni l'anarchie et qu'aucune force ne pourra entraîner vers la guerre civile. L'état est, en toute circonstance, prêt à assurer la défense de ses droits et celle de ses concitoyens. Nous renforcerons encore cet Etat, et poursuivrons notre consolidation avec énergie, mais par des voies pacifiques et sans recours à la force. Nous combattons pour notre liberté, mais notre détermination est entière  pour y parvenir pacifiquement et dans la stabilité.

C'est mon premier devoir de Président que de défendre cette paix et cette stabilité.

Dans la confrontation et la guerre nous ne trouverons aucune solution. Je veux que notre adversaire entende ces mots et qu'il acquière la conviction qu'aucun de ses objectifs ne pourra être atteint par le sang et la contrainte. Il faut également que tous comprennent qu'il est des principes auxquels ne renonceront jamais aucun géorgien, aucun homme politique géorgien, aucun gouvernement géorgien, ni aucun Président géorgien :

c'est, d'abord, l'intégrité territoriale de la Géorgie. Il n'y a là aucune possibilité de compromis pour la Géorgie,

c'est, ensuite, l'indépendance de notre pays, et nous ne nous accommoderons pas de la présence d'une armée étrangère sur notre sol,

c'est, enfin, la liberté de nos choix et nous n'accepterons pas de concéder à autrui le choix de notre avenir national.

Nous ne voulons plus de cette absence de relations diplomatiques avec la Russie. Notre souhait et que soient rétablies, entre nos pays, des relations diplomatiques normales et que nos ambassades fonctionnent dans nos deux capitales. Ceci est indispensable pour établir des relations apaisées entre nos deux pays. Mais, je le dis avec force, nous ne nous accommoderons pas de la présence sur notre sol de trois ambassades russes : une à Tbilissi, une à Tskhinvali et une à Soukhoumi. Nous sommes prêts à combattre le Kremlin lorsqu'il nous envahit, nous sommes également prêts, dès qu'il quittera les territoires qu'il occupe, à ouvrir un dialogue civilisé et d'égal à égal avec notre voisin. Car nul ne sait plus que les géorgiens la valeur de l'amitié, du bon voisinage et de la coopération.

Nous souhaitons la paix !

Mais tant que la Russie s'entête dans sa politique d'occupation et d'agression, notre réponse est d'étendre et de resserrer, plus encore, les relations internationales que la Géorgie entretient. Nous poursuivrons notre marche vers plus de démocratie encore, vers l'intégration européenne et le rapprochement avec  l'OTAN.

Ce faisant, notre but est de renforcer les garanties et les liens internationaux pour mieux assurer la paix,  de poursuivre le cours des réformes démocratiques et de soutenir l'avancée vers une économie libérale.

C'est précisément cette attention internationale qui permet à notre pays de préserver sa sécurité. C'est elle qui fait que la Géorgie est aujourd'hui plus protégée et plus prémunie de l'escalade d'un conflit qu'elle ne l'était avant la guerre de 2008. C'est cette réduction du risque de conflit que nous parvenons à assurer grâce au soutien de pays amis.

Cette réduction du risque de conflit se traduit dans le domaine de l'économie et du business par l’attribution par Standard & Poor's de la meilleure cotation qui soit.

C'est ce que souligne également le classement "doing business" de la Banque Mondiale qui voit progresser la Géorgie à la 12e place mondiale. L'Union Européenne va dans le même sens lorsqu'elle considère la Géorgie comme le pays de l'Europe au plus faible taux de criminalité.

L'objet de nos efforts actuels porte sur la sphère économique. Notre préoccupation principale est celle de résister à la crise économique mondiale, de sauvegarder et de développer l'emploi, de garantir l'équilibre budgétaire, pour que l'état accomplisse pleinement les missions sociales qui sont les siennes.

Il s'agit, on le voit, d'un programme ambitieux, qui nécessite la stabilité interne de notre pays, la cohésion de notre société et l'implication de tous les géorgiens, en particuliers ceux vivant hors de nos frontières.

J'utiliserai une image pour illustrer mon propos : le monde traverse une tempête économique. Notre pays est un bien petit navire qui tente d'échapper à cette tourmente. Nous devons conserver notre équilibre dans ces énormes turbulences et éviter les trajectoires, dangereuses et incontrôlées, de gros navires. Nous devons prêter une attention particulière à l'énorme bateau qui sombre à proximité et éviter d'être entraînés dans son remous. Pour l'heure, nous ne sommes pas au cœur de la tempête, c'est pourquoi chacun d'entre nous doit apprendre au mieux les règles de navigation et tous ensembles nous devons conduire notre esquif dans la bonne direction.

Si nous le voulons, si nous parvenons à conserver notre unité et notre détermination, si nous agissons avec intelligence, prudence et réflexion, si nous ne sommes  pas oublieux des leçons de l'histoire, celles de 1921, comme celles des années 90, si nous nous pensons bâtisseurs et non destructeurs, si nous conservons cette direction de développement vers la paix et la stabilité, alors nous résisterons à toutes les tempêtes, nous surmonterons les difficultés et nous conduirons notre pays vers des horizons pacifiés où règneront la liberté, la prospérité, l'intégrité territoriale et où rien ne viendra plus compromettre notre sécurité.

Mikheil SAAKASHVILI -

Né en 1967 à Tbilissi, Mikheil Saakachvili est diplômé de l'Institut de Relations Internationales de la Faculté de droit de Kiev, titulaire d’un Master de droit de l'Université Columbia, ancien élève de l'Institut des Droits de l'Homme de Strasbourg et de l’Université de droit de Washington.

Il est élu député en 1999 et nommé ministre de la Justice en octobre 2000, une fonction qu’il quittera rapidement à la suite d’un désaccord avec le Président Edouard Chevardnadzé.

En juin 2002, il est élu président de l'assemblée municipale de Tbilissi. Il prend la tête du mouvement de contestation - « la Révolution des roses » - déclenché par les élections parlementaires du 2 novembre 2003 Mikheil Saakashvili est élu président de la République le 4 janvier 2004. Il est réélu le 5 janvier 2008.

 

 

 consulter ici l'intégralité de la version écrite de l'intervention n°3

 

La Géorgie et les institutions internationales

Thorniké GORDADZE

Vice-Ministre des Affaires Etrangères

Presque un siècle s’est écoulé depuis qu’en 1918 la Géorgie a établi son indépendance, se libérant de la Russie tsariste, et a constitué l’un des premiers Etats social-démocrate en Europe.

La première république géorgienne, en dépit de sa courte existence et d'une situation politique interne et internationale extrêmement difficile, a pu conduire  d'importantes réformes  progressistes. Ces réformes étaient nécessaires pour jeter les bases du jeune Etat démocratique et garantir sa reconnaissance internationale.

Le Gouvernement de l’époque parmi d'autres réalisations : a arrêté les frontières de la République, déclaré le géorgien langue officielle du pays, conduit la réforme de la justice, instauré la garde nationale et l’armée régulière, mis en place les organes dirigeants locaux, et les syndicats professionnels, et, enfin, adopté la Constitution de la République. La Géorgie, malgré une situation internationale  chaotique (la première République de Géorgie naissait alors que prenait fin la première guerre mondiale), obtenait la reconnaissance internationale mais non pas son admission à la Société des Nations (SDN), nouvellement créée.

C'est un paradoxe de constater, alors que l’Europe et le monde entier étaient secoués par les cataclysmes sociaux, économiques, politiques, géopolitiques et militaires, que le Gouvernement de la première République de Géorgie et avec lui toute la société géorgienne avait déjà un sens aigu de l'état et une conscience nationale.

La politique menée par les leaders de la première République est d’autant plus impressionnante que la Géorgie était privée d’Etat depuis plus d’un siècle par l’Empire russe. Le régime tsariste réprimait sans pitié toute manifestation indépendantiste au sein de l’Empire, y compris en Géorgie. En dépit de ce carcan, la Géorgie  réussissait, non seulement, à conserver un état et une identité nationale mais également à les développer dans le sens de la pensée progressiste de l’époque. Lorsque le rétablissement de l’indépendance s’est avéré possible, il a été instauré en Géorgie une démocratie parlementaire fondée sur ces mêmes principes libéraux.

Il est dit dans l’Acte d’indépendance de 1918 que « la République Démocratique de Géorgie garantit à l’intérieur de ses frontières de manière égale des droits politiques et civiques de tous les citoyens quelles que soient leur appartenance ethnique, religieuse, sociale et ce, pour les deux  sexes…Elle met en œuvre toutes les conditions nécessaires à l’épanouissement de tous les peuples vivant sur son territoire ». Les mêmes principes ont été exprimés dans le Constitution adoptée la même année qui a défini en détail les principaux droits de l’homme et les libertés fondamentales et aboli la peine de mort. Alors même qu'à cette époque, peu d’Etats avaient une constitution garantissant les droits de l’homme.

Le choix du peuple géorgien de fonder un Etat européen démocratique est un héritage de l'histoire. Au cours de son histoire pluriséculaire, la Géorgie s’est considérée partie intégrante de la civilisation européenne et a apporté sa contribution à son développement et sa défense. Dès qu'est apparue la possibilité, après la chute du tsarisme, la Géorgie a pris la forme d'un Etat démocratique.

La première République de Géorgie n’a vécu que trois ans. La Russie bolchévique, née sur les ruines du tsarisme, n’a pas respecté l'accord  de paix qu'elle avait pourtant signé avec la Géorgie. En 1921 elle occupait  le pays, instaurait un régime bolchévique puis intégrait de force la Géorgie dans l’Union soviétique.

Au cours des soixante dix  ans d’occupation soviétique, le peuple géorgien subissait la terreur communiste,  assassinant  ou contraignant à l'exil une partie de la société géorgienne. L'objectif poursuivi  était d'effacer toute expression de revendication nationale et contraindre à la servilité politique le peuple géorgien.

En dépit de ses efforts, le régime soviétique n’a pas pu annihiler  l’esprit du peuple géorgien. Deux ans avant la disparition de l’empire communiste, la Géorgie s’est de nouveau déclarée indépendante.

Aujourd’hui, 90 ans après l’occupation de la Géorgie et 20 ans après la dislocation de l’Union soviétique, notre pays reste en lutte contre l’occupant et  contre les forces qui cherchent à reconstruire un nouvel empire dans les frontières de l'ancien.

L’agression militaire de grande ampleur d’août 2008 menée contre la Géorgie représentait le sommet de la politique néo-impérialiste russe. Cette agression a eu pour conséquence l’occupation russe de 20% du territoire géorgien – l’Abkhazie et la région de Tskhinvali. Sur les territoires occupés, un nettoyage ethnique a été conduit contre la population géorgienne avec l’aide active de l’armée russe. Des bases militaires russes y ont été créées pour héberger dans les régions occupées 15 000 soldats russes et une grande quantité de matériel militaire offensif. De nouvelles infrastructures militaires sont en construction pour y installer de nouvelles bases militaires de l’armée de terre, de mer et aérienne. Ces places d’armes permettent de maintenir une pression militaire russe sur la Géorgie et toute la région.

En 1921 comme en 2008 l'invasion russe avait pour objectif  d'obtenir par la force l'éviction  du gouvernement démocratiquement élu et le retour de la Géorgie dans l’orbite politique russe.

Il y a un siècle la situation internationale était tout autre, le droit international n'avait pas atteint le stade actuel de développement  et la SDN n'avait pas le poids des institutions d'aujourd'hui. Après la guerre mondiale, les pays occidentaux ont fait le choix de ne pas entrer en confrontation avec la Russie sur la question de la petite Géorgie. Malgré la reconnaissance internationale et le statut du membre de la SDN, la communauté internationale n’a pas fait obstacle à l’occupation de la Géorgie par la Russie soviétique.

En ce début de 21ème siècle, les relations internationales ont une maturité différente. L’Union soviétique n’existe plus et malgré la volonté et les tentatives du gouvernement actuel russe, son rétablissement est impossible. De nombreux pays qui appartenaient jadis au Pacte de Varsovie et à l’ex-URSS sont aujourd’hui membres de l’OTAN et de l’Union Européenne. Lors du Sommet de l’OTAN à Bucarest, début 2008, les alliés se sont entendus sur l’adhésion future de la Géorgie. La Géorgie est membre de l’Organisation des Nations Unies (ONU), du Conseil de l’Europe et de l’Organisation pour la Sécurité et la Coopération en Europe (OSCE). Elle mène une diplomatie active  bilatérale ou multilatérale et progresse sur le chemin d’intégration au sein des structures européennes et euro-atlantiques.

Depuis la restauration de son indépendance et notamment après la Révolution des roses, la Géorgie construit un Etat démocratique dont la place est dans la famille européenne et euro-atlantique. C’est précisément grâce aux réformes démocratiques et à sa politique étrangère orientée vers l’intégration aux institutions occidentales que celle-ci est à présent possible.

Pour toutes les raisons précédemment évoquées, mais également en raison de l’importance de la situation géopolitique de la Géorgie, la communauté internationale, notamment l’Union Européenne dirigée par la France et les Etats Unis, est intervenue activement pour arrêter l’agression russe d’août 2008. La Russie n’a pas, de ce fait, atteint ses objectifs stratégiques. L'Etat géorgien, le gouvernement démocratiquement élu continuent de fonctionner, la Géorgie poursuit les réformes démocratiques et la mise en œuvre de sa politique étrangère orientée vers l’occident.

A la différence du siècle dernier, la communauté internationale a jugé inadmissible la demande de Moscou de reconnaître la Géorgie et toute la région comme « une zone d’intérêts privilégiés » de la Russie. Les partenaires de la Géorgie ont également unanimement rejeté la demande de la Russie reconnaître la prétendue indépendance des territoires occupés et la légitimité des régimes mis en place par la Russie. Malgré d’énormes efforts politiques et financiers de Moscou, les régions occupées n’ont été reconnues que par le Venezuela, le Nicaragua et le Nauru.

L’occupation d'une partie du territoire et le renforcement du contingent militaire russe dans les régions occupées incite le Gouvernement géorgien à renforcer plus activement encore les bases démocratiques de l’Etat  pour satisfaire les attentes et garantir intégration au sein des structures européennes et euro-atlantiques.

En dépit de l'occupation militaire  d'une partie de son territoire et de l'embargo économique unilatéral russe, la Géorgie se développe. Ses institutions étatiques se renforcent, la croissance économique est au rendez-vous, les infrastructures sont en développement en particulier dans le domaine touristique, les zones libres économiques, industrielles et touristiques voient le jour. Le pays qui était énergétiquement dépendant de la Russie, est, à présent exportateur d’électricité dans différents pays, y compris en Russie. L'embargo décrété par Moscou sur le vin et d'autres produits géorgiens, a contraint à une salutaire diversification de l'exportation, en particulier, en direction des pays de l'Union européenne, ce qui a eu pour effet indirect de faire progresser  la qualité des produits.

La Géorgie a signé avec l'Union européenne la « Convention visant à faciliter la délivrance de visas et les réadmissions », les négociations traitant de l' « Accord d'association » avancent favorablement et, dans un avenir proche débuteront les négociations sur la convention de libre échange. La Géorgie participe, en outre, activement au programme européen le « Partenariat Oriental ». Enfin, un mois après l'agression, en septembre 2008, la Commission OTAN - Géorgie a été créée et supervise le processus d'adhésion de la Géorgie à l'Alliance.

Aujourd'hui, 90 ans après l'occupation de Géorgie et 20 ans après la restauration de son indépendance, le pays est en plein processus de reconstruction. Le contexte international actuel et, ce qui est le plus important, la volonté ferme du peuple géorgien, nous donne l'assurance que nous menons à bien le processus entrepris par la première République, qui prévoyait la construction d'un  Etat démocratique et que nous pourrons assurer rapidement l'intégration de la Géorgie au sein de la famille européenne.


 

Thorniké GORDADZE

Thorniké GORDADZE, né en Géorgie a fait ses études en France. Il a soutenu une thèse de doctorat à l'Institut des Sciences Politiques à Paris ou il enseigné plusieurs années. Ensuite chercheur à Yale University, il est devenu consultant au Centre d'Analyse et de Prévision du Ministère Français de Affaires Etrangères avant de Diriger le centre d'Etudes du Caucase au sein de ce même ministère.

Il est Vice-Ministre des Affaires Etrangères de la Géorgie depuis 2010 et spécialiste des Affaires européennes. Il est l'auteur de nombreuses publications scientifiques

 

 

 

 

 

consulter ici l'intégralité de la version écrite de l'intervention n°4

certains articles rédigés dans la Constitution de 1921, plus La Première Constitution de la Géorgie et son évolution

Malkhaz MATSABERIDZE

Professeur à l’Université d’Etat Ivané Djavakhishvili, Docteur es Sciences Politiques.

Introduction

Les fondateurs de la République Démocratique de Géorgie attachaient beaucoup d’importance à la conception de la Constitution - à la loi fondamentale. Ils considéraient l’adoption de la Constitution comme un événement capital qui devait succéder à la déclaration de l’Indépendance de Géorgie. L’élaboration de la Constitution, ainsi que le processus de sa mise au point jusqu’à son adoption ont presque pris autant de temps que l’existence même de la République Démocratique de Géorgie. La rédaction de la loi fondamentale avait débuté bien avant la déclaration de l’Indépendance. Or, alors que l’Assemblée Extraordinaire Constituante géorgienne délibérait sur la validation de la Constitution, adoptée à l’unanimité en février 1921, des combats acharnés se déroulaient à proximité de Tbilissi entre les partisans de la Géorgie indépendante et les bolcheviks de l’armée rouge. 

Deux commissions constitutionnelles ont été créées, l’une (6 juin 1918 – 8 mars 1919)  auprès du Conseil National géorgien (Parlement géorgien) et l’autre (18 mars 1919 – 21 février 1921) auprès de l’Assemblée Constituante. Toutes les deux ont été chargées d’élaborer la Constitution. Les  personnalités suivantes ont notablement contribué à l’élaboration de la Constitution : MM. Noé Jordania, Pavlé Sakvarelidzé, Sergi Djaparidzé, Samson Dadiani, Konstantine Djaparidzé, Giorgi Gvazava, Mikheil Russia, Levan Nathadzé, Ioseb Baratashvili, Akaki Chkhenkeli, et Giorgi Nanéishvili.

Le 21 février 1921 lors de la validation de la Constitution, l’état d’esprit de la société géorgienne était la combativité et non pas le défaitisme. En effet, la grande majorité de la société géorgienne croyait sincèrement pouvoir opposer une résistance farouche à l’ennemi et avait foi en une Géorgie victorieuse et capable d’avancer sur la voie du développement d'institutions étatiques indépendantes.

L’Assemblée Constituante a procédé à l’étude du projet de la Constitution le 24 novembre 1920.[1]

Le Parti au pouvoir, social-démocrate, représentait la large majorité des membres de l’Assemblée Constituante et pouvait facilement et rapidement obtenir la validation de la Constitution. Néanmoins, il a jugé nécessaire d’entamer de larges discussions et débats pour permettre à tous les partis d'opposition d’exposer toutes leurs suggestions, et d’exprimer leurs avis.

Tout naturellement, ces débats ont retardé la validation de la Constitution.[2]

Si ce n’était l’attaque armée de la Russie soviétique, le Parti au pouvoir aurait fait coïncider l’adoption de la Constitution avec la date d’ouverture de l’Assemblée Constituante,  approximativement le 12 mars. Ainsi, les élections législatives au Parlement auraient pu être fixées à l'automne 1921.[3]

Mais, malheureusement, les événements se sont déroulés autrement.

Le 25 février, les troupes d’assaut de l’armée rouge sont entrées à Tbilissi. C’est pour cette raison que cette date est précisément considérée comme la date de « soviétisation » de la Géorgie.

Or, le 25 février 1921, la guerre entre la Russie et la Géorgie se poursuit, et les combats acharnés dureront encore près de 3 semaines. La Constitution de  Géorgie est publiée sous forme de brochure à Batoumi en 1921 avant le départ en exil du  Gouvernement de la Géorgie indépendante.

La Géorgie n’a pas eu la possibilité de vivre sous cette Constitution. En revanche, il ne faut passer sous silence, qu’au moment de sa conception, le Gouvernement s’appuyait en grande partie sur les pratiques de la vie publique déjà existantes dans la Géorgie de l’époque. Les institutions, les règles de la vie politique, les droits de l’homme, en d’autres termes, tous les attributs juridiques nécessaires à la validation de la Constitution de 1921, existaient et fonctionnaient réellement dans la République Démocratique de Géorgie d'alors.  

L’occupation et la « soviétisation » de la Géorgie, mais, également, l’expérimentation de « construction le communisme » par les bolcheviks ont considérablement modifié non seulement le cours du développement de la Géorgie, mais surtout la réalité sur laquelle reposait la Constitution de 1921.

Ce que devait être la Géorgie selon la Constitution de 1921

Les partis du courant socialiste dominaient l’Assemblée Constituante. A lui seul, le parti social –démocratique disposait de 103 sièges sur les 130 membres de l'Assemblée. De ce fait, les doctrines idéologique et politique du parti social- démocratique inspiraient largement les principes de la Constitution lors de la conception du projet. Le parti au pouvoir, réalisant la situation du pays, prenait conscience de l’impossibilité de construire un socialisme doctrinaire en Géorgie. L'accession au pouvoir, a permis à ce parti de fonder l’un des états les plus démocratiques où la protection des droits de l’homme était une priorité des plus importantes. Outre les droits politiques, La Constitution de 1921 accordait explicitement les droits sociaux-économiques à ses citoyens, en plaçant ainsi la Constitution géorgienne parmi les Constitutions les plus progressistes.

La structure politique géorgienne devait ressembler au modèle suivant : le système électoral proportionnel, fondé sur les élections au suffrage universel,  prévoyait l’élection du Parlement pour 3 ans. L’institution du Président de la République était considérée inappropriée pour le développement de la démocratie. Afin de prévenir des crises parlementaires et de garantir une gestion stable de l’Etat entre les cessions parlementaires, il était convenu d’élire le Chef du Gouvernement pour un délai d’un an et de le doter de certains pouvoirs du Président de la République. L’élection du Chef du Gouvernement se limitait à deux mandats consécutifs. Cette mesure avait pour objet de rendre plus démocratique le pouvoir.

La Constitution de 1921 mettait en place les collectivités locales, et offrait les droits les plus larges aux minorités nationales vivant en Géorgie, à l'exception de la possibilité de créer un Etat dans l’Etat. Les concepteurs de la Constitution de 1921 ont complètement rejeté l’idée du fédéralisme, le considérant structure d’administration inappropriée pour l’Etat géorgien. En revanche, afin de renforcer les régions frontalières et consolider l’intégrité territoriale, ils ont établi le principe de l'autonomie et ont conféré ce statut par la Constitution à la région de Batoumi, à l’Abkhazie et à l’Inghilo.

La voie d'évolution tracée par les sociaux-démocrates pour la Géorgie, est identique à celle adoptée plus tard par la plupart des pays européens. Ce n’est rien d’autre que la marche vers la construction d'un Etat social.    


 

La Constitution de 1921 et le régime soviétique

Pour le régime soviétique la Constitution qui garantissait la démocratie et la souveraineté de la Géorgie, était totalement inacceptable. Le régime soviétique l’a, non seulement, immédiatement invalidée, mais aussi totalement occultée. Durant l’époque soviétique, on n’évoquait la Constitution de 1921 que pour la critiquer.

Cependant, le régime soviétique a bien été obligé de tenir compte departiculièrement, ceux qui validaient le statut officiel de la langue géorgienne en tant que langue officielle d’Etat. Puis plus tard, toutes les Constitutions soviétiques géorgiennes suivantes ont légitimé cet article.

Dans la conscience du peuple géorgien, la République Démocratique de Géorgie et la Constitution de 1921 symbolisaient ce que devait être une République indépendante unie et démocratique.  

Le Mouvement National géorgien a activement repris les aspirations de la République Démocratique de Géorgie de 1918-1921 dans la seconde moitie du XXe  siècle, à l’époque de perestroïka, dès que le régime soviétique a connu une certaine libéralisation.

La restauration de l’Indépendance de la Géorgie en 1991 signifiait, avant toute chose, de corriger les résultats de l’occupation et de l’annexion de fait par le régime soviétique. De nombreux articles étaient alors, en Géorgie,  consacrés à la Constitution de 1921.

La Constitution de 1921 et la Géorgie contemporaine

Le referendum du 31 mars 1991 a servi de base à la déclaration de l’indépendance de la Géorgie. Vingt années se sont écoulées depuis. Le peuple géorgien a unanimement soutenu la question soumise au referendum portant sur la restauration de l’Indépendance, qui était basée sur l’acte de déclaration d’Indépendance du 26 mai 1918. La restauration de l’Indépendance de la Géorgie se conformait aux principes de la République démocratique de Géorgie. Toute la symbolique d’alors était reprise (drapeau, armoiries d’Etat, hymne), mais l’approche à l’égard de la Constitution de 1921 a été complètement différente. Depuis l’adoption de cette Constitution 70 ans auparavant, la notion même d’organisation structurelle de l’Etat a considérablement changé, de même qu'a évolué le droit constitutionnel. Ainsi donc, l’élaboration de la nouvelle constitution devait s’appuyait à nouveau sur celle de 1921.[4] En fait,  un certain nombre d’articles était directement copié de la Constitution de 1995.

La Constitution de 1921 reflétait les pratiques de la vie, les aspirations, les réflexions et les opinions de l’époque. Depuis lors, les 90 années passées ont apporté des réponses aux interrogations d’alors. La société géorgienne a beaucoup évolué. Il n'en reste pas moins que, la République Démocratique de Géorgie a influencé la conscience du peuple géorgien en dépit de sa brève existence. Les années 1918-1921 ont jeté les bases qui ont servi de fondement à la Géorgie l’actuelle.

La Constitution de 1921 et la structure constitutionnelle de la Géorgie actuelle

Si l’on revient sur le développement de la structure constitutionnelle de la Géorgie actuelle après la restauration de son indépendance, une des plus radicales différences entre la première Constitution et celle de 1995 est la création de l’institution présidentielle. La Constitution de 1995 donne à la Géorgie un régime présidentiel fort sur le modèle américain. La réforme constitutionnelle, appliquée le 6 février 2004,  a renforcé les pouvoirs du Président de la République, alors qu’en 1921 une tendance à la création d'un système semi-présidentiel se dessinait. En revanche, la réforme constitutionnelle entamée le 15 octobre 2010 faisait un pas dans la direction opposée. La nouvelle rédaction suggérait l'idée du rapprochement au modèle parlementaire. Par exemple, elle proposait un mode d’administration mixte des affaires d’Etat, en inclinant vers le modèle d’une république parlementaire. De cette façon, cette version se rapprochait de la Constitution de 1921. Mais avec un modèle d’administration d’Etat différente de celui prévu par la Constitution de 1921. 

La réforme constitutionnelle entamée en 2010 ne prendra effet en totalité qu'en 2012-2013. Elle tente de maintenir l’équilibre entre toutes le branches du pouvoir et d'accroître le pouvoir du Parlement, pouvoir qui avait été restreint   par la réforme constitutionnelle du 6 février 2004.

En premier lieu, la réforme de 2010 aborde la question  capitale du statut constitutionnel du Président de la République. Le Président procède toujours du suffrage universel mais voit son pouvoir réduit. Selon la nouvelle rédaction, on obtiendra un statut du  « Président dit somnolant », dont les pouvoirs ne s’accroîtront qu’en cas de crises intérieures et en situation de force majeure.[5] Une grande partie des pouvoirs passera au Parlement et à son chef, au Premier Ministre ; le gouvernement deviendra une institution exécutive du pouvoir suprême.

Les changements constitutionnels effectués en 2010, dont l’application n’est prévue pleinement qu’en 2013, ont néanmoins prédéfini les garanties constitutionnelles de la mise en place du pouvoir exécutif comme d’une branche indépendante du pouvoir. Ainsi, le gouvernement devient l’autorité suprême qui sera habilité à concevoir et mener les politiques intérieure et étrangère du pays.  De cette façon, le Gouvernement est exempté de toute responsabilité devant le Président de la République et le Gouvernement ne rendra compte que devant le Parlement.

Les réformes constitutionnelles de 2010 ont explicitement mis en relief le statut constitutionnel du Premier Ministre comme Chef du Gouvernement exempté de responsabilité devant le Président de la République. Le candidat du parti vainqueur des élections parlementaires ou un celui présenté par une coalition pourra devenir le Premier Ministre. Le Premier Ministre sera un personnage indépendant et habilité à nommer librement les membres de son gouvernement sans approbation du Président de la République. De cette manière, sera établi une voie dite parlementaire de formation du cabinet, et seul le Parlement sera habilité à accorder sa confiance au gouvernement composé.

Une innovation significative de la réforme constitutionnelle de 2010 consiste en addition d’un nouveau chapitre où les principes de bases d’organisation des organismes autonomes locaux sont exposés, ce qui est en soi un pas en avant vers la démocratie. Les chapitres consacrés aux droits de l’homme restent inchangés. Il n’y avait eu que quelques chapitres soumis aux modifications ou précisions.[6]

Ces réformes n’ont pas résolu tous les problèmes à l’ordre du jour concernant l’évolution du régime politique en Géorgie (en premier lieu, celui de l'organisation territoriale), mais le redressement de l’Etat est un processus long et compliqué, rendu plus complexe encore par le poids encore présent de "l'héritage" soviétique.  

Il est très important de souligner les progrès apportés  par la réforme constitutionnelle de 2010 qui prend racines dans la Constitution de 1921.

 

Malkhaz MATSABERIDZE

Malkhaz MATSABERIDZE est un historien réputé, rédacteur de nombreux ouvrages consacrés à la période de la première République géorgienne. Il est Professeur à l’Université d’Etat Ivané Djavakhishvili et Docteur es Sciences Politiques.

 


 

[1] La 59e  séance extraordinaire de la seconde cession de l’Assemblée Constituante s'est achevée  le soir du 24 novembre à 18 h 25

[2] Lorsque la guerre entre la Russie et la Géorgie a éclaté en février-mars 1921, l’Assemblée Constituante finalisait le projet de la Constitution. L’examen collectif global des chapitres du projet était achevé et l’Assemblée examinait les détails du projet de Constitution, article par article.

La réunion de l’Assemblée Constituante était prévue le 16 février 1921 et l’examen des chapitres 7-15 figurait à l’ordre du jour. Les deux derniers chapitres devaient être débattus le 17 février. L’examen des amendements sur les contradictions possibles et la rédaction globale du texte, ne devaient pas prendre beaucoup de temps.

[3] L’article 61 de la Constitution fixait déjà un calendrier : « Le Parlement se réunirait chaque premier dimanche du mois de novembre. Les élections au Parlement auront lieu en automne le même jour sur tout le territoire de la Géorgie, pour que tous les nouveaux députés élus soient présents à l’ouverture de la séance du Parlement.»

[4] Le 9 avril 1991 le Conseil Suprême de Géorgie a adopté deux résolutions, l’une concernant la restauration de l’indépendance de la Géorgie, l’autre portant sur l’élaboration de la nouvelle version de la Constitution de Géorgie, en se basant principalement sur les articles de la Constitution de la République démocratique de Géorgie adoptée le 21 février 1921.

[5] L’institution présidentielle exerce l’administration de la politique intérieure et extérieure de l’Etat, alors qu’après les modifications apportées, le Président combinera, avec ses fonctions du Chef d’Etat, du Commandant en chef, du Représentant d’Etat de la politique étrangère, - aussi le statut d’arbitre entre les différents pouvoirs étatiques. Ces modifications ont dissocié l’institution présidentielle de l'exécutif, ce qui était l’objectif initial de la réforme constitutionnelle de 2010.

[6] Notamment, l’immunité personnelle (art.18), droit à la propriété privée (art.21), droit à la liberté de circulation (art.22), droit à l’élection pour une fonction (art.29), droit au travail (art.30), droit à l’environnement sécurisé (art.37) et droit aux dédommagements (art.42).

 

 consulter ici l'intégralité de la version écrite de l'intervention n°5

La Russie et le rôle de la Géorgie dans le Caucase.

Beka Kobakhidzé

Docteur en Histoire

Situé sur la ligne de division entre l’Europe et l’Asie, le Caucase a toujours attiré l’attention de grands États du monde par sa position géopolitique intéressante. Enviée pour sa position stratégique depuis l'Antiquité, la région a été pendant très longtemps un objet de litige entre les superpuissances qui l'entouraient : l'Empire hellénique et les royaumes perses, l'Empire romain et les Arabes, les empires turc et mongol… Toutefois, ce facteur n’a pas fait perdre aux peuples caucasiens leurs identités nationales. Tout au long de ces péripéties, le rôle capital dans la politique régionale a été assuré par la Géorgie.

Même si les relations internationales ont beaucoup évolué au cours des siècles, les intérêts des peuples caucasiens n’ont presque pas changé. Or, il faudrait bien analyser les leçons de l’Histoire et tirer profit de cette expérience dans la vie contemporaine : les enjeux actuels sont les mêmes que dans le passé récent. Les évènements se répètent à l’identique. Dans cette perspective, il serait donc très instructif de nous pencher sur l’Histoire des premières républiques caucasiennes (1918-1921).

C’est à partir du 18ème siècle que la Russie a commencé à s’emparer du Caucase, et c'est à la suite de la Révolution russe en 1917, que les États caucasiens ont recouvré leur indépendance. Vers 1918, la région voit se former en son sein quatre républiques : la Géorgie, l’Azerbaïdjan, l’Arménie et la République montagnarde du Nord-Caucase, avec des intérêts divergents mais un ennemi commun. 

Dès la proclamation de l’indépendance de ces républiques, la Russie tente d’envahir une région géorgienne – l’Abkhazie. En 1918, le pouvoir soviétique y a envoyé les divisions des Cosaques rouges et encouragé les séparatistes locaux à proclamer l’indépendance de la République Abkhaze soviétique. La guerre civile a empêché la Russie de mobiliser toutes ses troupes en Abkhazie, la Géorgie a donc profité de la situation et récupéré la région. Plus tard, le régime bolchevique a été remplacé par les généraux blancs, mais la ligne directrice de la politique russe dans le Caucase n’a pas varié.

En 1919, les « blancs » ont tenté à nouveau d’annexer l’Abkhazie, mais l’heureuse présence des troupes britanniques dans la région a contribué à la solution pacifique du conflit.[1] La Russie a plusieurs fois réitéré ce procédé en "Ossétie du Sud", mais la guerre civile l'a maintenue à distance  de son objectif en 1918-1921.

La Russie savait parfaitement qu’il fallait affaiblir le Caucase du Nord avant e s’emparer de la Géorgie. République montagnarde du Nord-Caucase tenait le rôle d'un l’État tampon et protégeait le Caucase du Sud. De leur côté, les politiques géorgiens et azéris comprenaient parfaitement l’importance de la République des montagnards et la soutenaient comme ils le pouvaient. Le président de la république géorgienne, Noé Jordania écrit: Nous avons toujours réservé une attention particulière à la République des montagnards… Nous ne leur refusions jamais rien quand ils avaient besoin d’aide. En février  ils nous ont demandé du renfort en armes et notre gouvernement a décidé de leur accorder le nécessaire de notre arsenal. Personne d’autre n’a eu autant d’aide de notre part. Nous-mêmes, nous étions dans le besoin, nous récupérions des cartouches dans les villages pour 2 roubles la pièce… Nous étions en pénurie, mais ne refusions rien aux montagnards. Pour quelle raison ?  Nous savions qu’il fallait fortifier nos frontières au nord. La montagne puissante nous garantissait la protection contre l’agression de la part de Moscou. Nous avions intérêt à la protéger et ce facteur déterminait notre rapport avec la République des Montagnards[2].  Ces paroles restent d’actualité aujourd’hui et soulignent le rôle important du Caucase du Nord. D’autre part, les écrits de Jordania montrent que la Géorgie était le leader régional luttant pour l’indépendance d’un État voisin.

La Géorgie soutenait le Caucase du Nord et l’aidait non seulement sur le plan militaire, mais lui fournissait également une aide diplomatique. Dans les années 1919-1920 s'est tenue la Conférence de la Paix de Paris qui devait analyser les résultats de la première guerre mondiale et réfléchir sur l’avenir de la Russie après la chute du tsarisme. À cette occasion, les Géorgiens, les Azéris et les montagnards du Nord ont créé une commission commune qui s’adresserait à la conférence au nom des trois États. C’est à ce titre que, le 23 juin 1919, les membres de la commission ont demandé à la conférence de ne pas reconnaître les droits de la Russie sur le Caucase du Nord.[3]

Néanmoins, en été 1919, le Caucase du Nord a été envahi par un général « blanc » - Anton Denikine - et la Russie est devenue le voisin direct de la Géorgie et de l’Azerbaïdjan. Les deux républiques se sont trouvées dans l’obligation de signer un accord assurant leur union dans le cas de l’agression de la part d’un État tiers. Dans l’accord, les signataires  convenaient de régler leurs différends territoriaux selon la règle de l’arbitrage. Les pays ont informé le Président de la conférence, Georges Clémenceau (également Président de la République Française), de la signature de cet accord en précisant dans la lettre qu’il n’entrerait en vigueur qu'en cas d’agression russe. Grâce à l’intervention des Britanniques, cette agression n’a pas eu lieu.

Par conséquent, on voit bien que les « blancs », tout comme les « rouges », s’opposaient à  toute idée d’indépendance caucasienne et que les républiques étaient obligées de se défendre tant militairement que sur le plan diplomatique. Les « rouges » et les « blancs » souhaitaient rétablir les frontières telles qu’elles étaient au temps des tsars et faisaient tout pour empêcher les Républiques  d’intégrer la famille « européenne ».

En 1918-1921, pour la Conférence de la Paix, la question de la Géorgie et de l’Azerbaïdjan était une seule et même question qui s’ajoutait à celle de la Russie. Les deux pays agissaient en accord sur le niveau international et la Russie avait les mêmes objectifs les concernant[4].  Mais il y avait un détail non-négligeable : le plus grand pipeline de l’époque, celui de Bakou-Batoumi représentait un point très intéressant pour les pays européens. Ce facteur unissait encore plus la Géorgie et l’Azerbaïdjan : Batoumi et son port perdaient de leur importance sans Bakou et vice versa. C’était l’époque où la Société des Nations et l’Europe essayaient d’étendre leur influence vers l’Est.

La menace russe contre les républiques géorgienne, azéri et montagnarde représentait un obstacle pour l’Europe. Ces pays agissaient en commun, mais l’Arménie conduisait sa propre politique extérieure. Cette république n’acceptait pas le statut quo concernant les questions territoriales et conservait un différend avec tous ses voisins (avec la Géorgie, l’Azerbaïdjan, mais surtout avec la Turquie) [5]. Walter Marion Sendler, membre du congrès américain et du lobby en faveur de la Géorgie, de l’Azerbaïdjan et des États baltes[6],  écrivait que même en Amérique les chances de réussite étaient infimes à cause de l’opposition arménienne. Ce facteur mettait en danger l’unité caucasienne et représentait un piège pour chaque république. Plus tard, l’ex-président arménien émigré, Hovhannes Katchaznouni[7], devait regretter cette politique « irréfléchie » qui a abouti à la soviétisation des Républiques[8].

Chaque république savait parfaitement que le danger russe était imminent et que mêmes réunies, elles ne pourraient stopper l’agression russe à elles seules. Ainsi, elles aspiraient à intégrer « la civilisation occidentale ». Elles tâchaient d’obtenir le soutien militaire et diplomatique des pays de l’Entente à la Conférence de la Paix. L’intégration à la Société des Nations leur garantirait l’unité territoriale et la sécurité.

Le sommet de la SDN devait avoir lieu en novembre 1920. La Géorgie et l’Azerbaïdjan avaient déposé une demande d’adhésion. Peu avant le sommet, en avril 1920, la Russie annexait l’Azerbaïdjan, puis l’Arménie en novembre. Les pays occidentaux se retrouvaient devant le fait accompli : le Caucase entier, à l’exception de la Géorgie, était envahi par la Russie, et la république géorgienne était encerclée par les troupes russes. Vers la fin 1920, la Géorgie se trouvait isolée dans la région et perdait son importance géopolitique et économique. Cependant, même si la Géorgie avait eu le soutien de la plupart des pays du monde et obtenu la reconnaissance de son indépendance, personne ne se serait opposé à la menace russe pour protéger la république dont le gouvernement et le parlement démocratiques étaient l’une des constitutions les plus avancées de l’époque. À la cession de la Société des Nations, le vote concernant l’adhésion de la Géorgie eut bien lieu et les résultats furent les suivants : dix pays votèrent pour, dix – contre et quatre s'abstinrent. Le quota nécessaire à l’adhésion étant de 16 voix, la Géorgie ne put devenir membre de la SDN et la Russie n’eut aucun mal à parachever l’annexion du Caucase vers février 1921.

Les pays occidentaux ne sont pas intervenus pour protéger la Géorgie et on peut considérer qu'il s'agit d'une erreur. Car la Russie ne s’est pas contenté d'occuper le Caucase. Elle a attaqué la Finlande en 1939, annexé les pays baltes en 1940, instauré les régimes totalitaires dans les pays de l’Europe de l’Est après la seconde guerre mondiale, réprimé, persécuté et exécuté des millions de personnes, divisé l’Europe par le rideau de fer, commencé la guerre froide…

Autant de manifestations du caractère impérialiste de la Russie qui ne se contentait jamais de ce qu’elle avait et qui voulait repousser ses frontières au prix des libertés des hommes et des pays. Arrêter l’agression russe aux frontières du Caucase, aurait permis d’éviter sa propagation en Europe. Malheureusement, dans les années 1918-1921, les pays européens n'avaient pas su anticiper et le danger soviétique est resté d’actualité pendant des décennies. Il conviendrait à présent d'éviter, dans l'intérêt de l’Europe, de commettre la même erreur. L’intervention européenne dans la « fortification » des pays caucasiens protégerait le vieux continent de l’agression russe et lui donnerait la possibilité d’établir des contacts avec le marché énergétique de l’Asie centrale.

Aujourd’hui les peuples caucasiens sont l'objet des mêmes enjeux que ceux des années 1918-1921. Les ambitions de la Russie n’ont pas changé et les différends entre les pays de la région persistent. Nous pouvons dire sans hésitation que les événements se répètent. Reprenons leur déroulement…

Après la dissolution de l’URSS, la Russie a commencé à faire éclater des conflits dans la région. En Géorgie, elle a armé l’opposition et a contribué à faire remplacer le président qui ne servait pas ses intérêts – Zviad Gamsakhourdia. Ensuite, elle a commencé à « organiser » des conflits dans les régions : les procédés et le but étaient les mêmes que dans les années 1918-1921. La Russie a encouragé le mouvement « nationaliste » dans l’Ossétie du Sud qui, en réalité, ne demandait qu’à faire partie de la Russie, l’a armé, et ce sont finalement les armées russes qui ont occupé le territoire. Le même schéma s’est reproduit en Abkhazie mais cette fois, avec l’intervention des Cosaques russes au lieu des Cosaques « rouges » comme c’était le cas dans les années 1918-1921. La politique russe ne change pas à travers les siècles. La conséquence est que des dizaines de milliers de réfugiés ont été jeté sur les routes.

Le but de ces agressions était le même que celui des interventions des années 1918-1921 : rétablir les frontières de l’empire russe ou, pour le moins, empêcher le développement des États caucasiens et leur intégration dans l’Europe.

Au début des années 90, la Géorgie était très affaiblie et manquait de soutien international. La Russie en a profité pour occuper vingt pour cent du territoire et l'a forcé à adhérer à la Communauté des États Indépendants, considérée comme le substitut modernisé de l’URSS. En parallèle, la Russie menait la guerre contre la Tchétchénie qu’elle considérait comme un opposant fort. Cependant, elle préférait régler la question de la Géorgie en premier. Elle a même utilisé les tchétchènes dans la guerre en Abkhazie et les anciens collaborateurs ont été entraînés dans ce conflit. Le premier Président de la Géorgie était en bons termes avec les Tchétchènes, mais après son départ obligé du pouvoir (provoqué par la Russie), la Géorgie et la Tchétchénie ont cessé de coordonner leurs actions. Par conséquent, la Russie n’a pas eu de mal à réaliser la maxime Divide et impera[9]. Cette erreur lourde de conséquence a été commise des deux côtés. Après la participation des tchétchènes dans la guerre de l’Abkhazie, ont eu lieu deux guerres en Tchétchénie. Cela va de soi, une fois que la Géorgie était affaiblie, il était très facile de vaincre les autres régions du Caucase.

Un homme politique des 19-20ièmes siècles, Giorgi Lashkhishvili, ancien ministre de l’éducation de la République de la Géorgie nous rapporte une conversation qu’il a eue avec un Tcherkesse au goulag[10] : - j’ai eu l’impression qu’il ne voulait pas répondre à nos questions. Ensuite, il nous a demandé d’où l’on venait et quand il a appris que nous étions géorgiens, il s’est dit enchanté. Il est resté silencieux un moment, puis il a soupiré et dit : - Notre pays a péri quand le soleil du Caucase s’est couché. J’ai cru qu’il parlait de Shamil et lui ai demandé quelque chose le concernant. – Non, jeune homme, dit-il, je ne parle pas de Shamil, le soleil du Caucase est la Géorgie. C’est avec elle que nous avons péri.  Le vieux Tcherkesse faisait allusion au Traité de Guiorkievsk (1783) qui a largement facilité à la Russie l'accès du Caucase.

Si l’on n’oublie pas les leçons de l’histoire, il n’y a rien d’étonnant dans le fait que les chefs d’État géorgiens aient toujours été en bonne relation avec les peuples nord-caucasiens. La Géorgie, en tant qu'État central du Caucase, se doit de réunir les peuples caucasiens autour du principe de liberté.

Le fait que le Caucase ne soit pas unifié dans sa politique extérieure, facilite l'action de la Russie. Comme en 1918-1921, lorsque l’Arménie freinait l’unité caucasienne. Depuis lors, peu de chose ont changé. L’Arménie exige toujours de la Turquie la reconnaissance du génocide et se trouve dans un conflit avec l’Azerbaïdjan concernant le Haut-Karabagh. Ainsi, l’Arménie s’isole du reste du Caucase et perd l’opportunité de participer à des projets internationaux, tels que : le pipeline reliant la mer Caspienne à l’Europe et le projet ferroviaire associant le vieux continent à la Chine. Ce faisant, l’Arménie refuse toute possibilité d’établir des contacts commerciaux avec ses voisins[11].

D’autre part, ce manque d’unité dans la région entrave toute possibilité de développement économique du Caucase, son intégration euro-atlantique, et permet à la Russie d’exercer le contrôle sur le territoire. Pour les mêmes raisons, la Géorgie bénéficie du soutien des autres pays de la région et de l’Europe. Cette intégration offre certainement la seule protection contre les agressions russes, ainsi la Géorgie a été le premier pays caucasien à avoir intégré le Conseil européen en 1999[12] et à essayer de devenir membre de l’OTAN.

Dans les années 1918-1921, il y eut un différend comparable entre la Géorgie et l’Azerbaïdjan, au sujet de territoires. Il s’agissait des régions de Kakhi, Zakhatala et Belakhani, mais aujourd’hui les pays sont à nouveau en bons termes. Pour la Géorgie, l’Azerbaïdjan est le principal fournisseur en énergie et un investisseur important. Les aspirations des deux pays concernant la politique internationale, l’attachement aux principes de souveraineté, d’intégrité territoriale, sont les mêmes. Les deux pays œuvrent pour l’intégration européenne. Sans cette union, ces pays perdraient de leur importance géopolitique et économique. C’est ce qui a poussé le Président de la Géorgie à déclarer en 2009 à Bakou que la Géorgie et l’Azerbaïdjan ont créé une confédération non-officielle. [13]

Pour conclure, il faudrait dire que la ligne caucasienne Turquie-Géorgie-Azerbaïdjan est un bon exemple de collaboration en dépit de conflits historiques. La Géorgie occupe une place centrale dans cette collaboration et il serait impossible de réaliser des projets internationaux sans son soutien.

Les agressions russes contre la Géorgie et l’occupation de ses territoires s’expliquent par le désir de changer les orientations politiques du pays, de détruire cette ligne caucasienne et d’instaurer le contrôle absolu sur le Caucase. C'est pour des raisons exactement inverses, que la Géorgie bénéficie du soutien de plusieurs pays et surtout du monde occidental. La consolidation des peuples caucasiens et leur intégration à l’OTAN est la seule solution possible contre la menace russe. Il faut souligner que la Géorgie a été le premier pays caucasien à adhérer au Conseil européen en 1999[14] et à essayer d’intégrer l’OTAN.

Plusieurs faits historiques prouvent qu’il est impossible d’envisager quelque forme de collaboration avec la Russie sans un soutien international solide. La Russie a transgressé le Traité signé par le roi de la Géorgie et l’empereur russe en 1783 et 18 ans après, en 1801, a annexé la Géorgie pour 117 ans. Après la chute du tsarisme, la Géorgie a retrouvé son indépendance et a signé, en 1920, avec la Russie soviétique un contrat international dans lequel la Russie reconnaissait l’indépendance de la Géorgie. Quelques mois après, la Russie a, de nouveau, envahi la Géorgie pour 70 ans. Pendant la guerre d’Abkhazie deux cessez-le-feu ont été signés : le 3 septembre 1992  à Moscou et le 28 juin 1993 à Sotchi. Dans les deux cas, la Russie promettait de retirer ses troupes et l’artillerie des territoires géorgiens[15], mais dès que l’artillerie lourde géorgienne a quitté les territoires, les régiments russes ont repris l'offensive contre les soldats géorgiens restés sans protection et Soukhoumi a capitulé. Actuellement, la Russie ne respecte pas plus le document en six points signé après la guerre du mois d’août 2008 qui l’engage à retirer ses troupes des territoires géorgiens et à donner aux observateurs internationaux la possibilité de travailler en l’Abkhazie et en « Ossétie du sud». La Russie continue à occuper ces territoires.

Les faits décrits sont suffisants pour qualifier la Russie de  partenaire non-fiable, mais la situation internationale actuelle est différente de celle de 1918-1921 :

En 1919, le membre du Congrès américain  - Walter Mayron Chendler déclarait que la Géorgie et l’Azerbaïdjan  avaient du mal à trouver le soutien américain, aujourd’hui les États Unis sont un des principaux alliés de la région, et la Charte de coopération stratégique signée entre la Géorgie et les États Unis garantit le développement de ces relations[16].

En 1921 les pays caucasiens étaient isolés face à la Russie, la région intéresse, à présent, beaucoup la communauté internationale. Ces pays font partie des organisations internationales telles que l’Organisation des Nations Unies, l’OSCE, le Conseil européen. La Géorgie, l’Arménie et l’Azerbaïdjan participent dans le programme de partenariat de l’Union européenne avec l’Est et cela les rapproche de leur but de devenir membre de l’Union Européenne. [17]

En 1920, quand elle voulait devenir membre de la SDN, la Géorgie n'a pu compter que sur le soutien de 10 États, la Géorgie d’aujourd’hui bénéficie d’un soutien beaucoup plus large. Dans la déclaration de Bucarest de l’OTAN, tous les pays-membres ont unanimement déclaré que la Géorgie deviendrait membre de l’organisation. [18] Devenir membre de l’OTAN est, pour la Géorgie, synonyme de la sécurité et facilitera pour ses pays voisins l’intégration dans les structures européennes.

En septembre 2010, l’Assemblée générale de l’Organisation des Nations Unies a adopté la résolution concernant la reconnaissance de droit de retour des déplacés dans leurs domiciles sur le territoire géorgien, en Abkhazie et en Ossétie du Sud.. Tous les pays européens ont soutenu cette résolution. La Russie a obtenu quant à elle le soutien de régimes "autoritaires" tels que le régime Mugabé au Zimbabwe, le régime Béchir au Soudan, le régime Chavez au Venezuela etc…[19]  Pour l’instant la Russie reste sourde à l’appel des pays démocratiques, mais cela ne devrait pas durer et elle sera bientôt contrainte d’y prêter attention.

Dans les années 1918-1921 la Turquie était un adversaire de la Géorgie, aujourd’hui elle compte parmi ses partenaires et forme avec elle et l’Azerbaïdjan, la ligne caucasienne. Cette ligne fournit à l’Europe des ressources énergétiques et naturelles. Cela concourt à rendre la région encore plus attrayante et contribue à son développement.

Dans les années 1918-1921 les États caucasiens étaient de jeunes états, elles disposent maintenant d'institutions fonctionnelles et les progrès réalisés dans la région sont visibles pour le monde entier. Pour exemple : sur la liste de la Banque mondiale, la Géorgie occupe la 12ème place mondiale concernant la facilité de l’activité économique, la 8ème pour la facilité à initier ou entreprendre une activité économique et la 2ème place pour la facilité à déclarer des biens. [20]

Le gouvernement russe fait tout son possible pour restaurer l’empire soviétique. En 2005, le président Poutine déclarait que la dissolution de l’URSS était la plus grande catastrophe géopolitique du 20ème siècle [21].

Cependant, l’Histoire a prouvé que les Empires ne durent pas. L’Empire russe s’est effondré deux fois au 20ème siècle, la première fois à la chute du régime tsariste par laquelle le peuple finnois a retrouvé l’indépendance et la deuxième fois, à la dissolution de l’URSS où la Pologne, les pays baltes et l’Europe de l’Est ont retrouvé leur liberté. Tôt ou tard, les peuples caucasiens seront libres.


 

Béka KOBAKHIDZE

Béka KOBAKHIDZE est un jeune historien de l'Université d'Etat I. Djavakhichvili de Tbilissi. Il est titulaire d'un doctorat et dont le sujet de thèse porte précisément sur "La question de la Géorgie à la conférence de la Paix de Paris". Il est également titulaire  d'une licence en Diplomatie et Relations Internationales. Il travaille également auprès d'organisations internationales.


 

[1] Documents et matériaux pour la politique étrangère du Caucase et la Géorgie, Tbilissi, 1919, pp.91-107, G. Mazniashili, Souvenirs, Tbilissi, 1990; p. 60-114

[2]  Mon passé, N. Jordania, Tbilissi, 1990 pp. 110-111

[3] Lettres de Paris, A.M. Topchibaev, Bakou, 1998, p.58 (A. Topchibaev présidait la délégation azérie à la conférence)

[4] L’indépendance de la Géorgie et la politique internationale dans les années 1918-1921, Z. Avalishvili

[5] La question arménienne devant la conférence mondiale, Ekaterinodar, 1919, pp.3-30

[7] Lettres de Paris, A. M. Topchibashev, Baku, 1998, pp. 55-56

[8] Dashnaktsutyun, plus rien à faire!, Ov. Kachaztshoun, Tbilissi, 1927, pp.16-20.

 

[9] Divise pour régner (lat.)

[10] Les mémoires de G. Lashkhishvili, Tbilissi, 1934, pp. 38

[11] sur cette toile de fond de relations tendues entre l’Arménie et les autres États de la région, la Géorgie acquiert une importance pour ce pays : elle lui permet de s’approvisionner en ressources énergétiques, mais aussi de garder le contact terrestre avec la Russie et les autres pays.

[15] la question de l’Abkhazie dans les documents officiels, 1989-1999, 1ère partie, Tbilissi, 2000

 

 


Alexandre Kvitachvili

La Géorgie indépendante et l’Université d’Etat de Tbilissi

Alexandre KVITASHVILI

Recteur de l'Université I. Djavakhishvili, Tbilissi

Je vous salue au nom de l’Université d’Etat de Tbilissi. Comme vous le savez sans doute, l’évènement le plus important dans l’histoire de notre pays - la proclamation de l’indépendance de la Géorgie et la création de la première république indépendante géorgienne -  a été précédé par deux autres événements importants - la restauration de l’autocéphalie de l’Eglise géorgienne et la création de la première université en Géorgie et dans le Caucase.  Il est clair que la coïncidence n’est pas fortuite, car dans un contexte politique compliqué, ces facteurs ont contribué à renforcer la cohésion de la société géorgienne de l’époque.

L’idée de la création de l’université géorgienne est née dans la première moitié du XIXe siècle, au moment où se renforçait  le mouvement pour la libération de la Géorgie, qui cherchait alors à s’extraire des griffes de l’Empire russe. Le mouvement pour la création de l’université, mené par l'intelligentsia géorgienne formée en Russie, a pris une ampleur nationale  et les "Tergdaleuli"  en ont commencé une nouvelle étape. La création de la Banque des Nobles par Ilia Tchavtchavadze a partiellement résolu la question financière - dans tout l’empire russe, c’était la seule banque à mettre ses bénéfices au service de la culture et du système éducatif du pays. Cependant, l’Université géorgienne n’a pu être créée: pour contrecarrer l’idée de la création de l’Université de Tbilissi et appuyer ses intérêts en Géorgie,  le gouvernement russe a fondé à Tbilissi même l’université du Caucase. Malgré le soutien du gouvernement russe l'université du Caucase a rapidement été fermée.

Après  la révolution russe, en 1917,  la création de l’université géorgienne est devenue possible. Début 1917, une réunion sur le sujet a eu lieu au cinéma Elite. Dans son discours, I. Djavakhishvili a souligné l’importance et la nécessité de la création de l’université et appelé les chercheurs géorgiens résidant en Russie à rentrer en Géorgie. Des sommes d’argent et des livres arrivaient de toute la Géorgie. La société géorgienne avait un but: créer une université correspondant aux aspirations nationales et servant la culture, l’éducation et la recherche géorgiennes. Le 12 mai 1917, les fondateurs de l’université se sont réunis pour la première fois dans l’appartement de Petré Melikishvili, à Tbilissi. C’est le 12 mai qu’a été créée la société de l’université libre. Il a fallu attendre le 8 février 1918 (le 26 janvier selon l’ancien calendrier) le jour de David Agmashenebeli - David Le Bâtisseur, pour que soit inaugurée l'Université de Tbilissi -  le premier établissement européen du Caucase. Elle était dirigée par Ivane Djavakishvili, formé à l’université de Petersbourg.

L’Université a été bénie par le patriarche catholique de la Géorgie - Kirion 2 : “ Le jour de la création de l’université géorgienne est arrivé. L’aspiration vers la lumière, la soif du savoir et l’amour de l’authenticité ont réuni beaucoup de monde ici aujourd‘hui. L’homme est créé pour la lumière et la nature a fait en sorte que le talent divin de recherche de la vérité lui soit inné, c’est grâce à ce talent que l’homme est libre. Mes félicitations; chers fondateurs de l’Université et je vous souhaite beaucoup de succès dans votre activité, pour le bonheur de notre peuple”.

Le membre du Conseil national et du Comité exécutif de la Géorgie, Akaki Tchkenkheli, a détaillé la politique d’enseignement du gouvernement géorgien à la soirée de l’inauguration de l’Université de Géorgie. Il a appelé les fondateurs de l’université à élaborer un système unitaire de l’enseignement national et à utiliser l’expérience des Etats européens.  Cette politique du gouvernement géorgien et des fondateurs de l’Université s’opposait radicalement aux intérêts russes bolchéviques qui ont longtemps essayé de renforcer leur influence au sein de l’université.

La création de l’université à Tbilissi était également un évènement très important à l’échelle caucasienne. A la lettre de la diaspora ossète de “ Vladikavkaz” dans laquelle il était demandé à Ivane Djavakishvili à qui étaient destinées les études universitaires, Djavakhishvili répondait que tous les jeunes y avaient accès sans distinction de sexe, de religion ou d'appartenance ethnique et que la langue d’enseignement était le géorgien.

Pour les fondateurs, l’essence de l’activité de l’Université résidait dans son autonomie, son indépendance vis à vis de l’Etat. Sa réglementation interne devait être immuable. L’Université devait sans doute suivre la vie sociale, mais cela ne voulait pas dire que la recherche scientifique devait être commandée, déterminée ou influencée par le cursus ou les partis politiques. C'est à la base de ce principe même de l'indépendance de l'université, qu'Ivane Djavakhishvili a élaboré la règlementation de l’Université, définissant le rapport entre celle-ci et l’Etat. 

D’après la législation, le conseil de professeurs respectait strictement cette la législation immuable et dirigeait l'enseignement et la recherche en restant indépendant vis à vis de l'Etat. Cependant, il est intéressant de signaler que le conseil des professeurs de l’université devait fournir tous les ans la liste complète des cours et des informations sur le parcours scientifique des chargés de cours au Ministère de l’Education. Ainsi, le gouvernement avait une seule fonction - celle de contrôle. Cette conception universitaire développée par Ivané Djavakhishvili et son équipe, fondait un système éducatif qui correspondait au développement de la république géorgienne et à ses aspirations européennes.

Avec son corps enseignant et ses étudiants, l'Université a toujours activement participé aux événements politiques de la Géorgie. Le 20 décembre 1918, l’Arménie a attaqué la toute jeune république géorgienne sans avoir déclaré la guerre: après l’intervention pacifique de la Grande Bretagne et de la Mission bolchévique russe la guerre a cessé. Une zone démilitarisée a été établie, mais les gouvernements arménien et géorgien n’ont pas trouvé d'accord et une commission d’arbitrage internationale a été créée. Le travail de celle-ci n’a pas non plus porté ses fruits et le différend territorial entre les républiques caucasiennes n'a pas été résolu. Selon le décret du gouvernement géorgien et sous la direction de I. Djavakhishvili et P. Ingorokva a été créée une commission qui a étudié et établi la frontière entre la Géorgie et l’Arménie ; mais la Géorgie n’a malheureusement pas pu récupérer les territoires perdus lors de cette guerre - elle a été victime des accords secrets passés entre des Etats puissants.

L’Université a endossé une autre fonction très importante - elle a été le lieu le plus sûr pour la sauvegarde du trésor national: c’est à l’Université que se réunissaient la société d’histoire-ethnographie, le cabinet d’art universitaire, la société pour l’alphabétisation de la Géorgie et le musée ecclésiastique des antiquités. Ils avaient un but - conserver chaque objet d’art pour les générations futures et étudier leur histoire. Le rôle du musée ecclésiastique des antiquités a été particulièrement important en 1921. Le 16 février 1921 lors des attaques menées par l’armée rouge, Ivane Djavakhishvili, Ekvtime Thakaishvili et Léonide, le patriarche catholique de la Géorgie, prenait la décision, en accord avec le gouvernement provisoire de la Géorgie, de recenser et mettre sous scellé le trésor national géorgien. Des boîtes étaient préparées au deuxième étage de l'Université pour être acheminées à la gare. Ainsi, c'est à l’université qu'a été prise la décision d’envoyer le trésor national à l’étranger. Alors que la 11e armée était aux portes de Tbilissi, le Recteur de l’Université Ivane Djavakhishvili adressait une lettre au comité de défense du présidium de l'Assemblée Constituante de la Géorgie: " Nous avons l’honneur de vous adresser le décret du conseil professoral de l’Université d’Etat de Tbilissi signé à la réunion du 16 février 1921, convoquée en urgence à cause de la situation au front de guerre:  a) Les professeurs de l’Université d’Etat de Tbilissi et tout le corps enseignant sont prêts à sacrifier leur savoir, toute leur expérience et leur vie à leur patrie et demandent au comité de les mettre à disposition de la Géorgie.  b) Les portes des laboratoires de sciences naturelles, de mathématiques et de médecine sont ouvertes pour les besoins de la guerre. Le Recteur de l’Université a appelé les étudiants à défendre leur patrie - C’est vrai, il nous manque des matériaux de guerre et plein d’autres choses, mais notre sage peuple a dit - si le cœur est de fer, peu importe que l’armure soit en bois - la cathédrale blanche de notre culture nationale bénira tout ceux qui partiront au champ de bataille."

L’université a toujours servi la cause géorgienne et œuvré pour la propagation des valeurs démocratiques en Géorgie: voilà pourquoi le gouvernement bolchévique a tant persécuté les enseignants et les étudiants progressistes. Au cours de la période soviétique, l'activité de l’intelligentsia rouge n’a pas réussi à faire disparaître les signes de l’identité nationale et les aspirations à la liberté et la démocratie. En témoigne le mouvement né à l’Université le 14 avril 1978, qui a permis de conserver le géorgien comme langue d’Etat. La lutte pour sauver le monastère David Garedji a également été initiée dans notre université.

A partir de 1918, l’Université d’Etat de Géorgie s’est trouvée à  l’épicentre de tout événement important survenant en Géorgie - au centre des événements politiques, mais aussi de la lutte pour l’indépendance et du développement de la recherche... L’université a joué un rôle primordial dans le développement du pays selon le modèle européen. Au XXe siècle  le destin de l’Université était étroitement lié à celui de notre pays - ainsi, nous pouvons le dire haut et fort, l’histoire de l’Université de Tbilissi est celle de la Géorgie indépendante.

Alexandre (Sandro) KVITASHVILI

Sandro KVITASHVILI est Recteur de l'Université d'Etat I. Djavakhichvili de Tbilissi. Historien de formation. Après un Master à l'Université de New-York. Il a exercé dans plusieurs organismes internationaux comme directeur financier avant de prendre la direction de programmes de développement économique dans le secteur de la santé pour lesquels il est un expert reconnu. Sandro KVITASHVILI est nommé en 2008 Ministre du Travail de l'Action sociale et de la santé avant de prendre se fonctions à l'université en septembre 2010.

 


 

 

 

 

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