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 ABKHAZIE  (Géorgie)

14 août 1992-27 septembre 1993

n'oublions jamais !


აფხაზეთი

14 აგვისტო 1992-27 სექტემბერი 1993

დაიმახსოვრეთ !

 

 


 

le 27 septembre 1993, Sokhoumi
La guerre en Abkhazie a commencé le 14 août 1992

 l'Abkhazie fut occupée par des unités séparatistes abkhazes avec l'aide des troupes russes et des volontaires du Caucase du Nord


 27 სექტემბერს 1993, სოხუმი დაეცა

აფხაზეთის ომი, 1992 წელს 14 აგვისტოს დაიწყო !!!, სოხუმი დაიკავეს აფაზურმა სეპარატისტებმა რუსი სამხედროებისა და ჩრდილოკავკასიელ მოხალისეთა დახმარებით

 

 

Nos remerciements à Monsieur Othar Pataridzé qui a accepté

à nous aider à traduire et corriger le texte géorgien

 

 

Préface

 

La publication de ce livre a été conditionnée par le besoin de propagation dans le monde francophone d’une information objective et courte concernant la tragédie qui eut lieu en Abkhazie (Géorgie) au cours  des années 1992-1993. Cette tragédie , souvent faussement présentée par certains auteurs, n’a pas son équivalent depuis la seconde guerre mondiale de par son ampleur (échelle), sa cruauté inhumaine et ses conséquences criminelles. Vingt ans se sont écoulés depuis la guerre en Abkhazie .Celle ci a été fomentée et organisée par la Russie dont le gouvernement monta les Abkhazes contre les Géorgiens qui tissèrent des liens avec l’Otan et qui refusèrent d’adhérer à la C.E.I (Communauté des états indépendants).

Appuyés par les troupes russes, les séparatistes abkhazes et ses alliés du Caucase du Nord ont organisé un véritable massacre et un nettoyage ethnique : les Géorgiens ont été torturés, assassinés et les plus chanceux ont été évincés.

Cette tragédie continue. Un petit nombre de Géorgiens est revenu dans la région de Gali mais ceux ci  vivent dans la terreur : on les kidnappe pour demander ensuite une rançon, on leur confisque une grande partie de leur récolte et on les fait  travailler gratuitement sur les terres de séparatistes. Ces derniers y ont fermé les écoles géorgiennes et  imposent l’enseignement en russe et en mingrélien afin de mieux diviser les Géorgiens.

Prenant pour prétexte le  précédent créé par le  Kosovo, perçu par la Russie comme l’invasion de l’Occident en Serbie fraternelle de Milosevic, elle a envahi, en 2008, à titre de revanche, la Géorgie et a procédé en   cinq jours à l’occupation deux contrées géorgiennes : la région de Tskhinvali (l’ex Ossétie du Sud) et l’Abkhazie. La conséquence de cette invasion aurait pu être encore plus grave pour la Géorgie et le droit international si Nicolas Sarkozy, alors président français , n’était pas intervenu pour pousser à la conclusion d’un accord de  cessé-le-feux entre la Russie et la Géorgie.

En violant les normes du droit international, la Russie a illégalement reconnu, le 26 août 2008, l’indépendance de l’Abkhazie et la région de Tskhinvali dont la majorité de la population, chassée par les séparatistes, leurs alliés (la soit disant Confédération de peuples du Caucase du Nord, créée par les services secret russes) et les forces militaires russes. Moscou tente, par la falsification de l’histoire de Géorgie, de monter les séparatistes abkhazes et ossètes contre les Géorgiens et la Géorgie. Afin de donner plus de légitimité à ses actes, Moscou nie l’évidence du  génocide de la population géorgienne et parle de la libération des  peuples abkhaze et ossète du  nationalisme géorgien. Or ces territoires font partie historiquement, ethniquement  et culturelement  de la  Géorgie et pour les Ossètes géorgiens et les Abkhazes qui  y avaient trouvé refuge dès  le XIIIème siècle, ils y avaient beaucoup plus de droit politiques et culturels que les Ossètes russes et les Abazes (peuple très proche des Abkhazes) vivant en Russie. Pourquoi alors les dirigeants séparatistes des Ossètes géorgiens et des Abkhazes ont-ils préféré le pouvoir russe au pouvoir géorgien ? Russifiés pendant l’époque soviétique, les séparatistes ont eu la promesse du  pouvoir russe de pouvoir  créer leur propre pays indépendant sur les ruines de la Géorgie. Le but final russe étant  l’annexion totale de ces deux régions géorgiennes et l’empêchement fait à la Géorgie d’adhérer l’O.T.A.N.

Or la communauté internationale ne  croit pas aux « arguments » des russes et de séparatistes abkhazes ainsi qu’à leur « nouvelles réalités » et exige le retrait immédiat des troupes russes des deux régions occupées ainsi que le retour de réfugiés sur leurs territoires.

L’Occident ne doit pas ête dupe face aux  désinformations et aux manipulations russes. Il  ne doit pas permettre à la Russie de légitimer les crimes contre l’humanité commis en Géorgie. Il doit forcer la Russie à retirer ses troupes militaires d’Abkhazie et de la région de Gori,. Il doit la forcer àrévoquer les reconnaissances de l’indépendance et surtout de permettre aux réfugiés géorgiens de regagner leurs demeures. Le régime russe doit être puni pour ses actes de nettoyage ethnique, de persécutions du fait de l’origine ethnique.

Le présent ouvrage  aidera  à mieux comprendre la genèse et l’histoire des événements tragiques survenus en Abkhazie. Une courte histoire de cette région géorgienne est également proposée. Elle démontre incontestablement, ainsi qu’en témoignent  les anciennes inscriptions géorgiennes faites sur les monuments historiques en Abkhazie ,  l’appartenance politique, culturelle et ethnique de l’Abkhazie à la Géorgie.  On comprend pourquoi les Russes et les séparatistes abkhazes falsifient l’histoire de l’Abkhazie et de toute la Géorgie. Ils vont jusqu’à détruire des monuments historiques géorgiens afin d’effacer toutes traces géorgiennes. Ils changent l’architecture médiévale géorgienne et la transforme à la façon russe.

L’Abkhazie n’est pas le problème seulement pour la Géorgie.

On se demandait en 2008, pendant l’invasion russe, qui aurait pu être sa prochaine victime. Cela a été l’Ukraine.

 L’Abkhazie occupée est utilisée par Moscou comme une bases militaires littorale de 200 kms  ainsi que la Crimée contre l’O.T.A.N. Cela est inscrit dans un accord russo-abkhaze conclu illégalement le 24 novembre 2014. Le président François Hollande a annulé le contrat militaire conclu avec la Russie sur les deux frégates « porte-hélicoptères  Mistral ».

Moscou tentait  de forcer ou de  corrompre certains pays à reconnaitre illégalement les indépendances de l’Abkhazie et de « l’Ossétie du Sud ». Actuellement Moscou applique la seconde partie de son plan : l’annexion de ces deux régions comme ceci a été fait avec la Crimée. C’est pour cette raison que l’un de pays ayant reconnu les indépendances des régions susmentionnées a révoqué ses reconnaissances. C’est un avertissement russes lancé aux séparatistes abkhazes et ossètes. Moscou se prépare pour les persuader que l’Abkhazie et « l’Ossétie du Sud » doivent être rattachées à la Russie car la Géorgie s’apprête adhérer à l’’O.T.A.N.  et projette de  reconquérir ses régions avec l’aide des  forces de l’’O.T.A.N.

 Après l’invasion en Géorgie et en Ukraine la Russie pourra gagner de l’assurance pour envahir encore d’autres pays voisins et  stimuler des mouvements séparatistes dans beaucoup d’autres pays stables. 

L’un des alliés de Moscou en France est le Professeur Jean Radvani (souvent en déplacement en Russie), un partisan de la désintégration de Géorgie ce qui n’est pas l’opinion du Gouvernement français.

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Jemal Gamakharia

 

 

 

Abkhazie (Géorgie)

 Histoire et questions politiques

 

  

L'Abkhazie est une république autonome faisant partie de la Géorgie. Elle se situe dans sa partie nord-ouest, entre les rivières d'Ingouri et de Psôou. Sa superficie est de 8700 kilomètres carrés ; Sa capitale se nomme Sokhoumi (Soukhoumi).

L’entité étatique géorgienne ne compte pas moins de 35 siècles. Dès le milieu du II millénaire av. J.C., le royaume légendaire de Colchide comprenait une grande partie de la Géorgie contemporaine, y compris le secteur qui est situé entre les rivières d'Ingouri et de Psôou et qui a pris ensuite le nom d'Abkhazie. Depuis cette époque, le territoire actuel d’Abkhazie a été peuplé de Géorgiens et il faisait partie de l’état unitaire géorgien. Sous l’hégémonie romaine et byzantine (Ier s. av. J.C – VIIIème siècle) ainsi que pendant les incursions iraniennes (VIème siècle) et arabes (VIIème siècle), le territoire actuel d’Abkhazie se trouvait au sein de certaines entités politiques géorgiennes, comme Egrissi, Lazique, etc…

La « Vie de Géorgie » (anciennes annales géorgiennes), commence par une information sur la parenté des peuples caucasiens et leurs éponymes. Selon ces annales, le territoire commençant  aux montagnes de Sourami (qui divisent la Géorgie en deux parties, occidentale et orientale) jusqu’aux la mer Noire et la rivière de la Khazarie Mineure (actuel Kouban) a été assigné à Egros, éponyme des Géorgiens occidentaux (les Egueres).

Dès l’antiquité, les auteurs romains et surtout byzantins connaissaient bien les Abasgues  (i. e. les Abkhazes historiques) qui sont considérés par les annales géorgiennes comme faisant  partie intégrante des Géorgiens occidentaux et non comme un peuple étranger. Ce point est également attesté chez tous les auteurs romains ou byzantins ayant étudié la question de la généalogie des peuples. On trouve parmi ces auteurs :  Hippolyte de Rome (IIIème siècle), Eusèbe d’Antioche (280-360), l’auteur de « Liber generationis » (334), Eusèbe de Césarée (mort en 340), Épiphane de Chypre (314-303), l’auteur de Chroniques Pascales (630-640), George Syngèlos (VIIIème siècle-IXème siècle.), Léon le Grammairien (IX ème siècle.), Georges Cédrène (IXème siècle), Joan Zonara (XIIème siècle), etc... Ils connaissaient les Apsiles et les Abasgues qui sont mentionnés respectivement dans les sources écrites à partir des Ier et IIème siècles . Aujourd’hui ces tribus sont considérées, à tort par certains savants,  comme étant les ancêtres des Abkhazes actuels, mais en énumérant les peuples du monde à la place   des Apsiles et Abasgues ils mentionnent les colques (Colches // Lazes // Eguers), c’est à dire, les Géorgiens occidentaux (Georgica, t. 1. Tbilissi, 1961, pp. 11-20, 35, 39-41 ; t. 4, livre 1, Tbilissi, 1941, pp. 6-9, 61-63 ; t. 5, Tbilissi, 1963, p. 3-4, 10 ; t. 6. Tbilissi, 1966, p. 191).

En Géorgie occidentale, y compris dans sa partie qui couvre le territoire actuel d’Abkhazie, les archéologues décèlent une culture commune géorgienne. Les données anthropologiques, linguistiques et ethnographiques attestent de la présence indigène d’une population autochtone géorgienne (Assays from the history of Georgia. Abkhazia from ancient times till the present days, Tbilisi, 2011, p. 203-280). Des sources écrites grecques, romaines, byzantines et orientales confirment cette présence. Par exemple, les logographes comme Hécate de Milète(VIème siècle av. J.-C.), Skylax Cariande (VIème siècle av.  J.-C. ses fragments sont conservés chez Pseudo Skylax Cariande, auteur du IVème siècle av. J.-C.), Hellanique de Milète et Hérodote (les deux derniers ont vécus au Vème siècle av. J.-C.), attestent  d’une population indéniablement géorgienne  sur le territoire actuel d’Abkhazie, y compris aux environs de Dioscuria (Soukhoumi) : les Colques, les Corax, les Colaes, les Mosches (N. Lomoouri, à propos des témoignages des logographes grecs sur la Géorgie, voir : Matériaux pour l’histoire de Géorgie et du Caucase, t. 35, Tbilissi, 1963, pp. 3-35, en Géorgien ; T. Qaoukhtchichvili, les nouvelles d’Hérodote sur la Géorgie, Tbilissi, 1960, livre I, 104 ; livre IV, 37, en géorgien).

Selon la Géographie (XI, 2, 19) de Strabon (début du Ier siècle), Dioscuria (Soukhoumi actuel) et Bitchvinta (Pitsounda, Pitius antique) sont les villes colques. Pline l’Ancien (Ie s.) lui aussi nomme Soukhoumi comme la ville colchique (Pline Sec., VI, 14). Flavius l’Arien (PPE, 11, 18), auteur du IIème siècle, dans son  « Périple autour de la mer Noire » démontre  le monde indéniablement géorgien divisé en petites communes, entre Trébizond, actuelle ville turque, et l’ « Ancienne Lazique » (on la situe à Nord-ouest de Touapsé, Russie).  L’identité de ces tribus est précisée chez Ptolémée (IIème siècle) et chez l’auteur anonyme du Vème siècle.  Entre Gagra et Sotchi Ptolémée fait mention de « Souano-Colkhes ». Plus au sud-est, jusqu’à la Cappadoce, on voit toujours les Géorgiens : les Lazes, les Manrales (Megrèles) et les habitants d’Ecrectice // Egrissi (Plin. Sec. V, 8, 25 ; 9, 1-5). L’auteur anonyme du Ve s. répète mot-à-mot les informations de Flavius l’Arien et fait mention de plusieurs petites tribus entre Trébizond et Soukhoumi (Anonimi Periplus, 8-10) et précise à la différence de Flavius l’Arien que sur le territoire allant de Sebastopolis (Soukhoumi actuelle) jusqu'à la rivière d’Apsarounte (Tchorokhi actuelle), qui sert  de nos jours de frontière entre la Géorgie et la Turquie, qu’« autrefois habitait un peuple que l’on nommait les Colques et qui pris ensuite le nom de Lazes » (Anonimi Periplus , 7).

Ainsi les deux auteurs, Claude Ptolémée et l’auteur anonyme du Ve siècle, considéraient les Absiles, les Abasgues, les Saniges et d’autres tribus  (ces tribus sont mentionnés par Flavius l’Arien dans la partie orientale de la mer Noire) comme Géorgiens .Rufus Fest Avien, auteur latin du IVème siècle, propose la même thèse et affirme  simplement la présence de « colques énergiques » et d’ « Ibères cruels » au Sud-Est de la tribu de Zygues qui habitaient sur les territoires actuellement russes (V. Latishev, В. Латышев. Известия древних писателей о Скифии и Кавказе, т. II, выпуск 2. Санкт – Петербург, 1906, с. 358 – 359). Et ces « colques énergiques » et ces « Ibères cruels », c’est-à-dire les Géorgiens, ont créés, entre  le VIIIeème siècle et la fin de Xème siècle, le royaume d’Abkhazie avec sa capitale à Koutaïssi.

Tout l’héritage politique et, ce qui est encore plus important, l’héritage culturel, qui nous est parvenu, est uniquement géorgien. On ne voit aucune trace de l’activité et de la présence des peuples non géorgiens même dans cette partie du royaume d’Abkhazie, qui était nommé l ‘Eristavat d’Abkhazie et qui se trouvait au Nord-Ouest d’Anacopia (actuel Novii Afon, au nord-ouest de Soukhoumi). Dans cet Eristavat, notamment à Bitchvinta (Pitsounda) se trouvait, au  VIIIème siècle Xème siècle et au  XV – XVIIIe siècles le siège du Catholicosat purement géorgien d’Abkhazie, c’est-à-dire de la Géorgie occidentale. Ce siège a été autocéphale du  VIIIème siècle au  Xème siècle et du XVème siècle au XVIII ème siècle, mais en dehors de  ces périodes il a perdu cette indépendance et été subordonné à Mtskheta (près de Tbilissi). Dans l‘historiographie, les identités des catholicos d’Abkhazie sont très bien connues : ils étaient tous géorgiens. De plus, des centaines de noms de familles et prénoms de paysans, vivant, par exemple, pendant les  XVIème -XVIIème siècles sur les territoires actuels d’Abkhazie et appartenant au Catholicosat d’Abkhazie, sont aussi bien connus et ils sont tous géorgiens.

Le royaume d’Abkhazie constituait la semence principale qui avait réunifié toute la Géorgie. A la tête du royaume géorgien unifié se placèrent les réunificateurs, c’est-à-dire les représentants de la dynastie royale abkhaze (une dynastie ouest-géorgienne). Le « Divan de rois abkhazes », une rare source écrite en géorgien au début du XIème siècle confirme l’appartenance ethnique de ces rois : elle est géorgienne ! Les sources écrites arméniennes, composées au XIIIème siècle, le confirment à leur tour. Mkhitar Aïravantsi disait que la seconde dénomination des Géorgiens était « Abkhaze ». Vardan le Grand y ajoute que Vakhtang Gorgassali,  rois de Karthlie au Vème siècle, tire ses origines des rois abkhazes. (Джемал Гамахария, Бадри Гогия. Абхазия – историческая область Грузии. Историография, документы и материалы, комментарии. Тбилиси, 1997, сc. 216-217).

La seconde partie de ce livre contient des nombreuses inscriptions épigraphiques géorgiennes qui ont été écrites par les rois abkhazes ou sur leur ordre. Il n’existe aucune inscription faites en langue apsoua (actuel abkhaze) et cela semble logique : les anciens abazgues // abkhazes, mentionnés au VI-VIIIème siècles comme le peuple le plus chrétien parmi ses voisins chrétiens, étaient géorgiens du point de vues ethnique, politique et culturel et observaient l’office divin à coté du grec également en langue natale, c’est-à-dire en géorgien et non en apsoua.

Les Frontières Nord-Ouest de la Géorgie réunifiée atteignaient Nicopsia au moins jusqu’au milieu du XIVème siècle. Avant le Vème siècle, Nicopsia s’appelait « l’ancienne Lazique » et se trouvait au Nord-Ouest de la ville de Touapse (en Russie actuelle). La culture géorgienne s’est développée à très haut niveau sur le territoire de l’Abkhazie contemporaine (qui faisait toujours partie intégrante de Géorgie) alors que dans la région citée les traces de l’activité politique et culturelle de la population non-géorgienne, y compris celles  de la population apsoua (auto dénomination des Abkhazes actuels)  n’ont pas subsisté : ils n’ont jamais vécus à cette époque sur l’actuel territoire d’Abkhazie. Il n’y avait donc que les tribus géorgiennes.

On peut seulement supposer que dès le seconde moitié du XIIème siècle, pressés par les Mongoles, les apsoua ont quitté les alentours septentrionaux de l’Astrakhan actuel (où Pline l’ancien les situe, au Ier siècle, sous le nom d’Abzoae ; Pline Sec. HN, XXX) et pénétrèrent dans les régions extrêmes du Nord-Ouest de la Géorgie, mais n’atteignirent  pas pour autant  le territoire actuel d’Abkhazie.

Le processus de la désintégration de l’état unitaire géorgien commença pendant  la période de domination centenaire mongole (milieu du XIIIe s. – milieu du XIV s.). A commencer par  le successeur légitime du royaume d’Abkhazie, qui s’est formé, le royaume d’Imeretie. Dans ce royaume les principautés de Mingrélie (Samegrelo) et de la Gourie (Gouria) ont fait leur apparition. Dans les limites de la principauté mingrélienne se trouvait  l’Eristavat d’Abkhazie qui s’étendait d’Anacopia’à Bzybe (correspondant grosso-modo au district de Goudaouta actuel) et qui avait réunifié tous ces royaumes et principautés géorgiennes en donnant à ce royaume uni son nom. Le célèbre roi Georges V le Brillant (Guiorgui V Brtskhinvalè, 1313-1346) a libéré le pays du joug des Mongols et a réunifié la Géorgie en restaurant ses limites jusqu’à Nicopsia. L’Eristavat d’Abkhazie qui faisait partie de la principauté de Mingrélie, se trouvait toujours dans les limites de la Géorgie unitaire. Les successeurs de Georges le Brillant et surtout Alexandre Ier (1412-1443) ont pu conserver et consolider l’intégrité du pays. Dans les limites de la Géorgie se trouvait donc l’Eristavat d’Abkhazie qui correspond au district de Goudaouta actuel. Anacopia, Tskhoumi et les territoires se trouvant plus au Sud-Est jusqu’à la rivière d’Ingouri faisait partie organique de la principauté mingrélienne et cela se confirme par les multiples sources géorgiennes et non géorgiennes, y compris les matériaux écrits concernant l’activité de comptoirs génois à Tskhoumi // Soukhoumi (1354-1475).

On sait  que pendant les XIIIème et XIVème  siècles les Italiens faisaient commerce avec des pays du pourtour de la mer Noire. Parmi eux, au début se distinguaient les vénitiens qui possédaient leur propres comptoirs à Trapezunt, depuis 1319, et à Tana (la ville d’Azov), depuis 1333. Selon les sources écrites italiennes, ces comptoirs  commerçaient avec les Géorgiens de Soukhoumi  (Badoer Li. Libero dei konti di Giaccn o Badoer (Constantinopoli 1436-1440), testo a cura di Derini e. T. Bertele (II muovo Ramuse, III). Roma, 1956, გვ. 59.) .  

A partir des années 1260, l’hégémonie du commerce autour de la mer Noire passe aux mains des Génois. Le littoral géorgien, surtout la ville de Tskhoumi (actuel Soukhoumi), jadis connue sous le nom de Dioscuria-Sebastopolis, attire leur attention. Dans cette ville, les Génois sont mentionnés en 1280, quand un acte de vente atteste l’acquisition d’un bateau de commerce par un autre génois. L’acte de cette vente à été certifié par un notaire italien à Soukhoumi même.   (Actes des notaries Genois de Pera et de Caaf de la fin du XIII e Siecle, ed. G. Bratianu, Bucarest, 1927, გვ. 177).

Dès le début du XIVe siècle le nombre de génois augmenta tellement  qu’à Sokhoumi on voyait se faire couronner des évêques catholiques dont les identités ne nous  sont pas inconnues. Une lettre de l’évêque Petrus Geraldi écrite en 1300 à Sokhoumi nous est parvenue. Adressée à l’archevêque de Canterburry, l’auteur y note qu’il se trouve à Sébastopoli (Sokhoumi), en « Basse Géorgie » (inferioris Georgiane). Il dit que dans cette ville habitent des géorgiens dont  il reçoit des offrandes et que le pays, où il exerce  son activité religieuse, a son gouverneur qui est à la fois « le commandant en chef des armées de toute la Géorgie (il s’agit ici de Mamia Ier Dadiani, prince mingrélien entre 1323-1345) et que ce gouverneur est prêt  à guerroyer contre les Sarrrazins avec l’appui de toute son armée  en collaboration avec les chrétiens d’Occident  etc…» (V. Kiknadze, d’après une source latine du XIVème siècle à propos de la Géorgie », d’après les études de l’Université d’état de Tbilissi, traitant de la connaissance de l’art et de l’ethnographie, Tbilissi, 1983, vol. 243, pp. 101-103). Petrus Geraldi faisait allusion à la principauté  de Mingrélie (à laquelle appartenait Sokhoumi) et au prince Mamia Ier Dadiani (1323-1345), qui était effectivement le commandant en chef des armées de Géorgie occidentale. Petrus Geraldi, tout comme les autres évêques catholiques qui y avaient été ordonnés jusqu’à la fin du XV siècle, ne connaissaient pas du tout les ancêtres des abkhazes actuels parce qu’à l’époque ce peuple n’habitait pas encore dans cette ville. 

Les liens commerciaux et économiques entre Gênes et la Géorgie se sont intensifiés considérablement à partir de  1354 quand par autorisation de Guiorgui II Dadiani (1345-1384), prince de Mingrélie, les Génois ont fondé le comptoir autonome (W. Heyd. Historie du Commerce de Levant au Moyen-Age, t. I. Leipzig, 1923, გვ. 142-143, 192; Codicce diplomatco delle colonie Tauro-Liguri durante la signoria dell’ uficio di S. Giorgio, ed. A.Vigna, parte I. ASLSP, VI, 1868, p. 266).  Il fonctionnait avec succès jusqu’à 1475 et était subordonné, tout comme d’autres comptoirs de la mer Noire, à une organisation spéciale nommée « Oficium Gazaria ».  Cette organisation exerçait la gestion des affaires des comptoirs du pourtour de la mer Noire à l’aide du consul de Caffa (Féodossia actuel). Elle nommait également le consul de Soukhoumi. A partir de Novembre 1453, le droit de gestion des comptoirs des génois passa aux mains de « la banque de Saint Georges ». L’activité du comptoir des génois à Soukhoumi est évoquée par de nombreuses sources italiennes. Elles confirment toutes que les Génois du pourtour de la mer Noire faisaient commerce à Soukhoumi uniquement avec les Géorgiens et c’est toujours avec les Géorgiens qu’ils réglaient des affaires contentieuses.  Il en fut ainsi depuis la  fondation jusqu’à l’abolition du comptoir.

En voici quelques exemples. En mai 1465 les protecteurs de « la Banque de Saint Georges » exigèrent du consul de Caffa de d’œuvrer avec précaution à Soukhoumi afin de « ne pas envenimer les relations commerciales avec la Mingrélie ». Ils ont également envoyé, en juin 1472, une instruction « d’envoyer un ambassadeur chez l’enfant de Monsieur Bendiano (Dadiani, - J. G.) afin de résoudre le conflit entre les Géorgiens et les Génois ». Une autre lettre, envoyée, le 15 décembre 1472, toujours au consul de Caffa, exprime la satisfaction quant à  « leur espoir qui porte sur conclusion d’une armistice    Monsieur Bendian, gouverneur de Mingrélie » (Codicce diplomatco delle colonie Tauro-Liguri durante la signoria dell’ uficio di S. Giorgio, ed A.Vigna, parte I. ASLSP, VII, 1871, გვ. 338-339, 534, 873-874; Т. Берадзе. Мореплавание и морская торговля в средневековой Грузии. Тбилиси, 1989, с. 110).  Et enfin la lettre envoyée, le 4 décembre, au consul de Caffa, toujours par les protecteurs de « la Banque de Saint Georges », nous apprends que le conflit a enfin été résolu : « vous avez bien résolu cette affaire contre Bediani, gouverneur de Mingrélie ». Les « Bendiano » et « enfant de Bendiano »  sont vraiment des princes de Mingrélie  Liparite Ier Dadiani (1470-1474), son héritier Chamadavlé Dadiani (1470-1474) et Vamek II Dadiani (1474-1482).

Ainsi, d’après les documents authentiques italiens, pendant les  XIII-XIVème siècles, dans les limites de la principauté de Mingrélie se trouve la ville de Soukhoumi où fonctionnaient le comptoir de commerce autonome  génois et une église catholique (ainsi qu’une église orthodoxe). Selon des sources écrites arabes, à cette époque Soukhoumi appartenait à la Mingrélie.

Après la prise de Constantinople par les Turcs (29 mai 1453), la situation dans le la périphérie  de la mer Noire devint compliquée. Soukhoumi faisait l’objet d’incursions et de pillages de la part non seulement des Turcs mais aussi des auogazes (ancêtres des Abkhazes actuels), eux-mêmes manipulés et dressés contre la Mingrélie par les Turcs.

Les auogazes, selon les cartes géographiques italiennes, comme celles de Pierre Vesconti (1318), des frères Pizzigani (1367), de Jacomo de Madjalo  (1563), etc…, habitaient bien au delà de limites de l’Abkhazie contemporaine. On trouve l’information sur les incursions turques et avogazes dans la lettre envoyée en Italie en 1454 par  Gerardo Pinelli , consul génois : «J’ai pris en charge le poste de consul à Sébastopoli (Soukhoumi, - Je n’y suis pas resté très longtemps… Soudainement la ville a été attaquée par les auogazes et  la totalité de la population s’est enfuie afin d’être épargnée. Moi je les ai suivi. Les auogazes ont voulu captiver la majeure partie de la population. A part cela, je vous informe que bien avant de  arrivée ici les turcs ont attaqué et pillé cette ville » (Codicce diplomatco delle colonie Tauro-Liguri durante la signoria dell’ uficio di S. Giorgio, ed A.Vigna, parte I. ASLSP, VII, 1871, გვ. 102-103, 317-318). En 1475 les turcs ont occupé les comptoirs génois existants à Caffa et en Crimée. Après cela le comptoir de Soukhoumi a vite cessé d’exister. Comme nous le voyons les documents italiens qui évoquent l'activité du comptoir de Soukhoumi sont des sources importantes pour l’étude de l’histoire ethno-politique médiévale d’Abkhazie.

             A la fin du XVème siècle, l’état géorgien se divisa de facto en plusieurs royaumes et principautés. L’une d’entre elles était la Mingrélie. L’eristavat d’Abkhazie restait toujours  au sein de la Mingrélie et luttait, ainsi que d’autres eristavats géorgiens, pour obtenir l’indépendance voire plus. Vers le milieu du XVIème siècle, les gouverneurs d’Abkhazie ont renforcé leur pouvoir grâce à l’aide des turcs et des montagnards du Caucase (en partie musulmans et sous influence turque). Pendant cette période, l’arrivée massive d’une partie des montagnards du Caucase du Nord et leur installation dans l’eristavat d’Abkhazie (le secteur situé d’Anacopie à la rivière de Bzybe)  a totalement transformé le tableau ethnique. Dans ce contexte le catholicos d’Abkhazie (Géorgie occidentale) a été contraint de quitter l’eristavat d’Abkhazie et de transférer le siège du catholicosat de Bitchvinta (Pitsounda actuel) à Guélati,  près de Koutaissi. La trentaine de monastères et églises, se trouvant entre Goudaouta et Gagra, a cessé de fonctionner.

Levan II Dadiani (1611-1657), prince de Mingrélie, a réussi non seulement à restaurer le contrôle total sur l’eristavat d’Abkhazie mais  aussi à christianiser les nouveaux venus   du Caucase du Nord, soit environ 40.000 personnes. Il leur nomma un évêque et fît à nouveau de Bitchvinta le siège du Catholicosat. Pendant les XVIème et XVIIème siècles, les royaumes et les principautés géorgiens qui avaient été partagés en zones d’influence par l’Iran (ce dernier s’empara de la Géorgie orientale) et par la Turquie (celle-ci s’empara de la Géorgie occidentale) ont cherché, en vain, le protectorat de la Russie coreligionnaire. Le 12 décembre 1637, le Tsar de la Russie Michel, fils de Théodore, a reçu l'ambassadeur de Mingrélie à Moscou. Les ambassadeurs russes, ont visité, à leur tour la Mingrélie, de novembre 1639 à mai 1640, et nous ont laissé un compte rendu clair sur la situation ethno-politique de l’époque concernant le territoire correspondant à l’Abkhazie actuelle. Selon ces ambassadeurs russes, qui ont visité, entre autres, le monastère de Dranda (tout près de Soukhoumi), les frontières ethniques de la Mingrélie atteignaient, au moins la rivière Kelassouri (elle irrigue Soukhoumi). Ils démontrent que le pouvoir politique  des Dadiani, princes mingréliens, s’étendait également sur  le reste des territoires de l’Abkhazie actuelle, c’est à dire  Soukhoumi et les territoires se trouvant plus au nord-ouest, y compris Bitchvinta (Pitsounda) où, selon l’ambassadeur mingrélien, se trouvait le siège du catholicos d’Abkhazie (c’est à dire, de toute la Géorgie Occidentale), celui-ci ayant été nommé par Levan II Dadiani.  

Dans le compte rendu des ambassadeurs russes aucune mention des apsua-abkhazes ne figure, alors que ces ambassadeurs russes s’étaient  rendus dans toute la Mingrélie,  y compris dans les trois districts qui aujourd’hui représentent la majeure partie de l’Abkhazie actuelle : districts de Gali, d’Otchemtchiré et de Goulripshi. Cela confirme que les ancêtres des Abkhazes actuels n’y habitaient pas encore.

Le Tsar de la Russie Michel, fils de Théodore, dit dans une lettre, adressée le 30 mai 1639 à Levan II Dadiani, que la Mingrélie est un pays appartenant à l'Ibérie. Dadiani a répondu au tsar russe par une lettre qui mentionne le lieu de sa rédaction de la sorte : « dans le district de la Mingrélie du pays d’Ibérie ». (Материалы посольств Гавриила Гегенава, Федота Елчина и Павла Захарьева. 1636-1640 годы.  Для издания подготовил, исследованием, комментариями, словарем, указателями и календарем снабдил Джемал  Гамахария. Тбилиси, 2014, с. 190-218, 360-367, 392-394, 416-418, 441-447). Ainsi, les territoires qui correspondent grosso modo à l’Abkhazie de nos jours, ont été connus pour la première fois des Russes comme faisant partie  du pays d’Ibérie.

La muraille de Kelassouri avec ses quelques dizaines kilomètres de longueur est une construction défensive érigée et fortifiée par les gouverneurs mingréliens afin de contrer les incursions des montagnards. Ses murs commencent aux alentours de la ville de Soukhoumi et  servaient à la défense de la Mingrélie jusqu’au début des années 1670.  Sur les cartes géographiques de la Mingrélie, dressées en 1654 par Archangelo Lamberti et Christoforo Castelli, missionnaires catholiques, la muraille de Kelassouri est décrite comme « Le muraille des soixante mille pas érigée pour stopper les incursions des Abassas » (Assays from the history of Georgia. Abkhazia. Tbilisi, 2011, p.496, historical maps, №16).  Les abassas (apsoua) ont effectivement occupé l’Abkhazie, région mingrélienne et ont assimilé ses habitants indigènes. Une partie a été tuée, l’autre évincée, certains ont survécu et cette population locale (les abkhazes historiques) ainsi que tous les géorgiens ont donné à ces nouveau venus le nom d’abkhazes en conformité avec l’appellation géographique du territoire où les envahisseurs se sont installés. 

Les Chervachidzè, princes géorgiens, en ont tiré profit et ont utilisé ces apsoua-abkhazes comme guerriers pour attaquer ses rivaux Dadiani, princes mingréliens, afin de repousser les frontières de l’eristavat d’Abkhazie au-delà de la rivière Kodori et dans le but de s’affranchir de la dépendance des Dadiani.

Ces conflits  classiques  étaient courants chez les princes géorgiens, d’autant plus   que ces princes, y compris les Chervachidzè, princes d’Abkhazie, mettaient toujours l’accent sur leurs appartenances princières et culturelles avec la Géorgie et leur subordination aux rois géorgiens. Par